9 août 2011 2 09 /08 /août /2011 01:29

hirose-copie-1Cette page est une reprise de l’article « Les mensonges du lobby de l’atome », édité le 28 juillet 2011 sur le site Courrier International, qui est une traduction de l’article intitulé : « 原発は低コストのウソ 「原発廃絶なら値上げ」は恫喝だ! » édité sur le site japonais [DAN] le 1er juillet 2011, lui-même étant est une reprise d’un article paru dans l’hebdomadaire Shukan Asahi. Créé en 1922 par le groupe Asahi Shimbun, ce journal grand public est l'un des plus anciens magazines d’actualité de l’archipel.

 

J’ai choisi de présenter cet article en mêlant les deux sources, de manière à ce qu'à la fois Japonais et francophones puissent le lire.

sources :

http://www.wa-dan.com/article/2011/07/post-130.php

http://www.courrierinternational.com/article/2011/07/28/les-mensonges-du-lobby-de-l-atome

 

 

原発廃絶なら電気料金は上がる--電力会社のそんな言い分に、広瀬隆氏が「待った!」をかけた。「原発は低コスト」のウソを検証する。

Le militant Takashi Hirose dresse un sévère réquisitoire contre les fournisseurs d’électricité. Il leur reproche de dissimuler la vérité et de faire des bénéfices en monopolisant les réseaux de l’archipel.

 

経済産業省を中心とした時代遅れの原子力マフィアたちは、何も知らない国民を恫喝するために、「原発を廃絶すると、石炭や天然ガスの燃料コストが上昇して、一家庭当たり毎月1千円の電気料金の上昇になる」と騒ぎ始めたが、これこそ真ッカッカの大嘘である。

Pour faire peur au peuple qui n’y connaît rien, la mafia du nu­cléaire, rassemblée autour du ministère de l’Economie et de l’Industrie, a brandi la menace suivante : “Si l’on ­supprime le nucléaire, les prix du charbon et du gaz vont augmenter et la facture ­d’électricité de chaque ménage va s’alourdir de 1 000 yens [8,90 euros] par mois.” C’est un mensonge scandaleux !

電気代は、電力会社が公益事業だからという理由で、すべての必要経費を計上したあと、その4・4%相当分の報酬を加えるというように、原価コストに一定の利益を加算する「総括原価方式」によって決められる。そこで電力会社は、巨額の建設費と出費を要する原発をつくればつくるほど、高い電気代を徴収できる。一般企業がコスト削減に必死になるのに、電力業界は、むしろ無駄な出費増加で莫大な利益をあげる。これが彼らを、原発に走らせてきた諸悪の根源である。

加えて原油などの燃料費が高騰した場合、3カ月後には、それに応じて電気料金が引き上げられる。これは理屈に合っているようだが、地域を独占する電力会社に競争相手はなく、好き放題に電気料金を引き上げてきた。

Les compagnies d’électricité étant des entreprises d’intérêt public, le calcul du prix de l’électricité est fondé sur un système de coût global consistant à additionner tous les coûts et à rajouter une marge bénéficiaire équivalant à 4,4 %. De ce fait, ces compagnies peuvent aisément se permettre d’augmenter nos factures d’électricité en construisant des centrales nucléaires impliquant des coûts importants. Davantage de centrales nucléaires pour davantage de frais pour les compagnies. Contrairement aux autres entreprises, qui s’acharnent à réduire leurs coûts de production, ces sociétés tâchent d’augmenter les leurs pour accroître leurs bénéfices. Voilà la source de nos malheurs, la raison pour laquelle le Japon s’est lancé dans le nucléaire. De surcroît, chaque fois que le prix des combustibles s’envole, les compagnies peuvent, trois mois plus tard, répercuter cette hausse sur le prix de l’électricité. Même si une telle procédure peut paraître logique, elle leur permet d’augmenter le prix de l’électricité à leur guise, puisque, du fait de leur monopole régional, elles n’ont pas de concurrents.

廃棄物処理費用、74兆円の可能性

Le coût de l’élimination des déchets

 

そこで立命館大学の大島堅一教授は、これまでマスメディアが検証もせずに引用してきた政府試算値(2004年公表)の発電価格をチェックしてみた。その結果、1キロワット時の発電量当たり、液化天然ガスが6・2円、石炭火力が5・7円、石油火力が10・7円、一般水力が11・9円に対して、原発が5・3円といちばん安くなっていることが、まったくの間違いであることを明らかにした。

Kenichi Oshima, professeur à l’université Ritsumeikan, est allé récemment fouiller dans les chiffres publiés en 2004 par le gouvernement et cités jusqu’ici par les médias sans avoir été vérifiés. Il en ressort que la production de 1 kWh d’électricité coûte 6,20 yens avec le gaz naturel, 5,70 yens avec l’énergie thermique du charbon, 10,70 yens avec le pétrole, 11,90 yens avec l’énergie hydraulique et 5,30 yens avec l’énergie nucléaire, laquelle apparaît incontestablement comme la source la moins chère. Cependant, dans le cas du nucléaire, ces calculs ne prennent pas en compte les coûts de la recherche et du développement ni ceux de l’implantation, qui sont financés par le gouvernement.

それは、原発のコスト計算では、莫大な政府予算が投入されている研究開発費や立地対策のカネが入っていない。加えて、原発と火力では、設備稼働率を80%と仮定しているが、原発の稼働率はせいぜい60%にしかならない。火力も30%しか動いていない。特に、夜間の原発余剰電力を利用するために建設されてきた巨大な揚水発電ダムの莫大な費用を計算すると、原発が最も高くなる。電力への財政支出には、一般会計のエネルギー対策費と、エネルギー対策特別会計(電源開発促進対策特別会計=電源三法交付金)があり、この財政支出を加えた総合の発電コスト(1970~2007年度平均)は、実際には一般水力が3・98円、火力が9・9円、原子力が10・68円で、揚水発電を加味した「原子力+揚水」は12・23円になるのである。

Par ailleurs, pour le nucléaire comme pour le thermique, les calculs se fondent sur un taux d’exploitation des centrales de 80 % alors qu’en réalité ce taux ne dépasse pas 60 % pour l’énergie nucléaire et 30 % pour l’énergie thermique. Produire de l’énergie nucléaire revient encore plus cher quand on inclut les coûts colossaux des énormes centrales hydrauliques à réserve pompée, construites pour pouvoir redistribuer les excédents d’énergie nucléaire stockés pendant la nuit. Les dépenses budgétaires pour l’électricité comprennent les dépenses d’énergie du budget général et un budget spécial pour l’énergie. Lorsqu’on additionne ces dépenses, le coût global moyen de 1 kWh pour la période 1970-2007 est de 3,98 yens avec l’énergie hydrau­lique, 9,90 yens avec l’énergie thermique, 10,68 yens avec l’énergie nucléaire et 12,23 yens avec l’énergie nucléaire produite dans une centrale à réserve pompée.


話はこれで終わらない。さらにとてつもない量の放射性廃棄物という処分不能の危険物が発生し、それを処理することをバックエンドと呼んでいるが、ここに巨大なコストがかかる。電力会社は、プルトニウムを再利用すると銘打ったプルサーマル運転を強行してきたが、これを前提にしたバックエンド費用の試算結果は、2004年に政府の総合資源エネルギー調査会が報告した内容によると、六ケ所再処理工場を40年動かすとして、建設・操業・廃止を含めた再処理費用が11兆円、放射性廃棄物の処理・貯蔵・処分やMOX燃料(プルトニウム・ウラン混合燃料)の加工など、関連するほかの費用を合わせると18兆8800億円に達する。

Et les choses ne s’arrêtent pas là. Comme la production d’énergie nucléaire génère une énorme quantité de déchets radio­actifs non éliminables, il faut ajouter le coût colossal de leur retraitement. Pour réutiliser le plutonium [généré par la fission nucléaire], les compagnies d’électricité font appel à un procédé utilisant un mélange d’uranium et de plutonium (mox) comme combustible. Selon le rapport publié en 2004 par la Commission d’enquête gouvernementale sur les ressources énergétiques, le coût du retraitement, qui inclut les frais de construction, de fonctionnement et de démantèlement de six usines de retraitement en service pendant quarante ans, s’élève à 11 000 milliards de yens [97 milliards d’euros] et à 18 880 milliards [167 milliards d’euros] avec les frais de traitement, de stockage et d’élimination des déchets radioactifs, ceux de fabrication du mox et les frais annexes.

ところが、この大島教授に取材した経済誌の週刊東洋経済が、このコストを疑って試算したところ、実際にはその4倍の、74兆円に膨らむ可能性があることがわかった、とある。週刊東洋経済6月11日号が、「強弁と楽観で作り上げた『原発安価神話』のウソ」と題して、これだけ明確に原発のコスト計算の裏を暴いているのだから、「火力を使えば電気料金が上がる」というストーリーは大嘘である。

もともと電力会社が原発で使ってきた無駄で巨大な出費をなくせば、逆の結果になる。実際には、自家発電の特定規模電気事業者(PPS)の電気料金は、電力会社より2割前後も安いのだ。つまり現在は、原発のために、とてつもなく高い電気料金を徴収されているのである。特に無駄で、まったく将来性のない高速増殖炉もんじゅと、六ケ所再処理工場は、即刻、閉鎖しなければならない。そして原発から出る高レベル放射性廃棄物が莫大なコストを電気料金に加えているのだから、これ以上の高レベル放射性廃棄物が出ないように、一刻も早く原発すべてを廃止しなければならない。

Mais l’hebdomadaire économique Shukan Toyo Keizai, qui a interviewé le Pr Oshima, a mis ces chiffres en doute et démontré, après avoir mené sa propre enquête, que le coût pourrait atteindre 74 000 milliards de yens [656 milliards d’euros]. En dévoilant les véritables chiffres, l’article “Kyoben to rakkan de tsukuriageta ‘genpatsu anka shinwa’no uso” [Le mythe du nucléaire bon marché, un mensonge bâti sur l’obstination et l’optimisme] fait voler en éclats la thèse mensongère selon la­quelle “le prix de l’électricité augmenterait si l’on utilisait du charbon”. Si les compagnies d’électricité mettaient fin aux énormes dépenses inutiles générées par la production nucléaire, on obtiendrait le résultat inverse. Le prix de l’électricité autoproduite [par des industriels ou des particuliers] est inférieur de 20 % à celui des compagnies. Autrement dit, à cause du nucléaire, l’électricité se vend aujourd’hui à un prix exorbitant. De plus, comme la production de déchets hautement radioactifs génère des coûts importants qui se répercutent sur le prix de l’électricité, il faut abandonner l’énergie nucléaire dans les plus brefs délais.

原発廃止への推進力となる反原発運動についても、一言申し上げたい。

Abolir l’énergie nucléaire

 

電力会社の原発はほぼ5千万キロワットだが、今夏のピーク時には、福島第一の廃炉が決まり、福島第二、東通、女川、東海第二が全滅し、浜岡が停止、柏崎刈羽が3基再起不能で停止、さらに全土で定期検査中の原発が運転再開不能のため、事実上1300万キロワットしか稼働しない状況にある。

この頼りない原発より、資源エネルギー庁が公表している産業界の保有する自家発電6千万キロワット(昨年9月末現在)のほうが、はるかに大きなバックアップとしての発電能力を持っている。
「原 発の代替エネルギーとして自然エネルギーに転換せよ」という声が圧倒的に多いが、日本人が"快適な生活"をするために使っている電気の大半を生み出してい るのは、現在は火力発電である。この火力発電は、日本においてきわめてすぐれた世界最高度のクリーンな新技術を導入しているので、何ら問題を起こしていない。決して原発が、電力の大半をになっているのではない。原発は事故続きで、4分の1も発電していない。

 

A ce propos, je voudrais dire un mot aux militants antinucléaires : les compagnies d’électricité ont une capacité de production de près de 50 gigawatts, mais, cet été, durant les pics de consommation, celle-ci tombera à 13 gigawatts : non seulement la centrale de Fukushima Daiichi va être démantelée, mais celles de Fukushima Daini, de Higashidori, d’Onnagawa et de Tokai Daini sont endommagées, de même que celle de Kashiwazaki-Kariwa, dont les trois réacteurs n’ont pu être redémarrés. Celle de Hamaoka a été arrêtée et aucun des réacteurs qui ont été stoppés pour un contrôle de routine sur l’ensemble du territoire ne peut être relancé. Les entreprises industrielles qui ont recours à l’autoproduction offrent une capacité d’appoint beaucoup plus importante que les centrales nucléaires puisque, selon les chiffres du ministère de l’Energie et des Ressources naturelles, celle-ci s’élevait à 60 gigawatts à la fin de septem­bre 2010. De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer le remplacement de l’énergie nucléaire par des énergies renouvelables, mais il faut savoir que la plus grande partie de l’électricité utilisée par les Japonais pour mener une “vie confortable” est d’origine thermique et que, comme sa production repose sur des technologies nouvelles qui figurent parmi les plus propres au monde, elle ne pose aucun problème. Si nous exploitions toutes les ressources de l’autoproduction en ­complément de cette électricité d’origine thermique, nous pourrions satisfaire nos besoins “sans avoir à changer notre style de vie, à faire des économies d’énergie ni à stopper les chaînes de production”, estime l’hebdomadaire.

自家発電をフルに活用すれば、このすぐれた、クリーンな火力だけで、「まったく現在のライフスタイルを変えずに、節電もせずに、工場のラインを一瞬でも止めることなく」電気をまかなえる。これは、将来、自然エネルギーが不要だと言っているわけではない。多くの人が抱いている「自然エネルギーで代替しなければ原発を止められない」という現在の反原発運動の固定観念は、まったくの間違いである。原発廃絶は、反原発運動の自己満足のために実現されるべきものではない。産業界も含めた、すべての日本人のために進められるべきである。

Cela ne veut pas dire que le Japon n’aura pas besoin d’énergies renouvelables à l’avenir. L’idée fixe du mouvement antinucléaire selon laquelle il serait impossible d’abandonner l’énergie nucléaire sans la remplacer par des énergies nouvelles est totalement fausse. La sortie du nucléaire ne doit pas se faire dans le seul but de satisfaire ses demandes. Elle doit être accomplie dans l’intérêt de tous les Japonais, y compris le monde industriel. Je n’aborderai pas ici la question de la future composition de notre programme énergétique, mais il n’y a pas d’urgence particulière à se tourner vers des énergies nouvelles pour remplacer le nucléaire. Il est préférable de sortir du nucléaire en s’alliant au secteur industriel et en tirant pleinement parti de l’autoproduction de ses entreprises.

将来のエネルギー構成をどうするべきかについてはここで論じないが、原発を止めるのに、選択肢の一つである自然エネルギーは、今のところ特に必要ではない。つまり、産業界を味方につけて自家発電をフルに活用し、原発を止めることのほうが、もっと重要である。


ただちに必要な送電価格値下げ

Ouvrir l’accès au réseau

本誌6月10日号で特集したように、週刊朝日でこの連載を担当している堀井正明記者が各電力会社に取材した結果、興味深い電力需給についての裏の構造が明らかになった。全国で、電力会社が他社受電の発電能力を秘密にして、取材にも答えようとしなかった。特に九州電力だけは、「発電設備ごとの能力の内訳は公開していない。経営戦略情報なので教えられない」と、火力・水力・他社受電(自家発電からの買い取り)・原子力の内訳さえも答えないというトンデモナイ非常識な態度をとった。この九州電力が、原発を動かせないので夏に電力不足になる、と言い立てている。

Un reportage réalisé par le journaliste Masaaki Horii auprès des compagnies d’électricité et publié dans le numéro du 10 juin de Shukan Asahi a révélé des données très intéressantes concernant l’offre et la demande d’électricité. Dans tout le pays, les compagnies d’électricité tiennent secrète la part de production qu’elles achètent à d’autres entreprises et elles n’ont pas souhaité répondre à nos questions à ce propos. Kyushu Electric Power, en particulier, a fait savoir qu’elle ne dévoilait pas “la capacité de production de chacune de ses centrales car ce sont des données de gestion stratégiques”. Elle s’est même conduite de façon extrêmement incorrecte en refusant d’indiquer la répartition entre l’électricité d’origine thermique, hydraulique et nu­cléaire et celle qui provient de l’autoproduction des entreprises. Kyushu Electric Power a insisté sur les pénuries ­d’électricité que le pays connaîtrait cet été du fait de l’arrêt de ses centrales.

なぜ電力会社は、これら当たり前の事実を隠そうとするのか、という疑問から、ここで重大なことが明らかになった。

それは、彼らが安い電気を民間企業から買い取って、高い電気料金でわれわれに売って利益をあげている暴利の構造である。それを知られたくないばかりか、もう一つ「電力会社が自家発電をフルに利用すれば電力不足が起こらない」、この事実を国民に知られると、産業界からも、一般消費者からも、「送電線を自家発電の民間企業に開放せよ!」という世論が生まれる。そして制度が改善されて、誰もが送電線を自由に使えるようになると、地域を独占してきた電力会社の収益源の牙城が崩れる。送電線の利権だけは、何としても電気事業連合会の総力をあげて死守する必要がある、と彼らは考えている。九つの電力会社にとって、福島原発事故を起こした今となっては、原発の確保より、送電線の確保のほうが、独占企業としての存立を脅かすもっと重大な生命線である。そのため、自家発電の電気を買い取らずに、「15%の節電」を要請するという行動に出てきたのである。

En nous demandant pourquoi les compagnies d’électricité dissimulent la vérité, nous avons découvert un fait essentiel : ces sociétés réalisent des bénéfices considérables en achetant de l’électricité à bas prix à des entreprises et en nous la vendant beaucoup plus cher. Non seulement elles ne tiennent pas à ce que l’opinion publique l’apprenne, mais elles craignent peut-être aussi que le peuple ne découvre une autre vérité. Si elles exploitaient toutes les ressources de l’autoproduction, il n’y aurait pas de pénurie d’électricité. Si cela se savait, le secteur industriel et les consommateurs pourraient alors réclamer l’ouverture du réseau électrique.
Si l’on faisait en sorte que les lignes puissent être utilisées par tout le monde, la base des revenus des compagnies d’électricité qui ont un monopole régional s’écroulerait. A leurs yeux, il est donc capital de défendre à tout prix leur droit d’utiliser le réseau. Plus que le maintien du nucléaire, c’est la mainmise sur le réseau qui est le principal garant du monopole des neuf compagnies d’électricité du pays. C’est pourquoi, plutôt que d’acheter de l’électricité aux entreprises qui en autoproduisent, elles ont appelé à une diminution de 15 % de la consommation d’électricité.

したがって日本人は、「自然エネルギーを利用しろ」と主張する前に、「送電線をすべての日本人に開放せよ!」という声をあげることが、即時の原発廃絶のために、まず第一に起こすべき国民世論である。何しろ、送電線が開放されて、安価に送電できなければ、自家発電ばかりでなく、自然エネルギーの自由な活用もできないのだから。

しかし送電線事業の分離には時間がかかると予想されるので、それまで電力不足が起こらぬよう、国会は、全産業が安い送電費用で電気を供給できるよう、ただちに電力会社に送電価格値下げの命令を下し、それによって国民生活と企業活動を守ることが至上命題である。 (構成 本誌・堀井正明)

Avant de réclamer le passage à des énergies nouvelles, les Japonais doivent demander que le réseau soit ouvert à tous pour que le pays puisse sortir du nucléaire dans les plus brefs délais. Si l’on ne fait pas baisser le prix de l’électricité en instaurant le libre usage des lignes, on ne pourra pas exploiter l’électricité autoproduite ni les énergies renouvelables. Cependant, comme l’ouverture de l’accès au réseau prendra vraisemblablement du temps, il est de la plus grande urgence, pour éviter les pénuries, que la Diète ordonne aux compagnies de réduire le prix du transport de l’électricité pour que l’industrie japonaise soit en mesure de fournir une électricité moins chère. Les habitants pourront ainsi conserver leur style de vie et les entreprises poursuivre leurs activités.

 

 

    

ひろせ・たかし 1943年生まれ。作家。早大理工学部応用化学科卒。『二酸化炭素温暖化説の崩壊』(集英社新書)、『原子炉時限爆弾--大地震におびえる日本列島』(ダイヤモンド社)など著書多数。今回の連載に大幅加筆した新刊『FUKUSHIMA 福島原発メルトダウン』(朝日新書)が5月13日に緊急出版された

Hiro est né en 1943. Ecrivain. Diplômé du Département des sciences appliquées et de génie, Université de Waseda. Auteur de plusieurs livres : "L'effondrement de la théorie de dioxyde de carbone du réchauffement climatique" (Shueisha Broché), "Bombe nucléaire - un grand tremblement de terre a effrayé les îles japonaises" (Inc), etc. Cette série a été considérablement retouchée 新刊 Fukushima : effondrement de la centrale nucléaire "(Asahi Broché) publié le 13 mai.

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6 août 2011 6 06 /08 /août /2011 22:55
Nucléaire, une vision d'avenir pour l'énergie ?
C’était l’avis d’Anne Lauvergeon, alors présidente générale d'Areva, qui s’exprimait le 4 mai 2011 à New-York lors d’une conférence au CFR, le Council on Foreign Relations, organisme qui a pour but d'analyser la politique étrangère américaine et la situation politique mondiale.
 
La vidéo et la transcription originales sont disponibles à cette adresse :
Le sous-titrage en français vient d'être réalisé d'après la transcription CFR en anglais. Merci à Kna qui a réalisé cette traduction et sa diffusion sur YouTube en 4 parties.
 
On pourrait penser que c’est servir Areva de diffuser ce discours, mais au contraire, je pense qu’il faut bien connaître les positions et les objectifs de cette firme pour mieux les dénoncer et les combattre. Je diffuse donc ce lien dans le blog de Fukushima comme archive documentaire, car il ne faut jamais oublier que le MOX du réacteur 3 de Fukushima Daiichi a bien été produit et livré par Areva.
 

 
 
.Télécharger le texte entier de la conférence en format pdf :
   
.Quelques phrases commentées :
 
 partie 1, 13:18
 « Au Etats-Unis comme en Europe, l’énergie nucléaire reste un problème émotionnel. »
Je répondrai deux fois non.
D’abord parce que l’ensemble de la planète, et plus particulièrement l’hémisphère nord, a « profité » des retombées radioactives dues à l’accident de Fukushima. Des radionucléides qui se déposent partout, même à faible dose, ce n’est pas de l’émotion.
Et puis non, nous ne sommes plus sous l’émotion des premiers jours, nous connaissons pertinemment les dangers du nucléaire et c’est de manière tout à fait calme et posée que nous revendiquons l’abandon de cette énergie.
D’ailleurs, Anne Lauvergeon a bien fait attention de ne pas mentionner le Japon, car là-bas, au-delà de l’émotion, même cachée, il y a la contamination généralisée des produits et des sols, et ce n’est pas l’émotion qui fait crépiter les compteurs Geiger !
 
partie 1, 13:54
« Et la nouvelle génération de réacteurs, la troisième « + », comme l’EPR, comme ATMEA, comme KERENA, sont plus sûres grâce à l’expérience tirée de crises comme TMI, Tchernobyl et le 11 septembre. »
Anne Lauvergeon fait un lapsus et parle du retour d’expérience du 11 septembre au lieu du 11 mars… Considère-t-elle la catastrophe du 11 mars comme un attentat ?
 
partie 2, 3:09
 « Nous parlons de rien de moins que de gagner la course contre le changement climatique et la sécurité énergétique, rien de moins que la construction du futur de l’énergie propre pour les Etats-Unis et pour le monde. »
Alors que la catastrophe de Fukushima n’est pas encore terminée, c’est assez insoutenable d’entendre cette phrase ! Pour trois raisons :
1. Après Three Mile Island et Tchernobyl, Fukushima vient encore de démontrer que la sécurité énergétique ne se fera jamais avec l’énergie nucléaire.
2. D’autre part, affirmer que le nucléaire est une énergie propre est un mensonge honteux. Le nucléaire pollue à la source lors de l’extraction de l’uranium, il pollue en fonctionnement en relâchant en permanence une légère radioactivité dans l’environnement, et il pollue enfin la terre pour des milliers d’années avec ses déchets radioactifs indestructibles.
3. Enfin, la course contre le changement climatique ne sera jamais gagnée avec l’aide du nucléaire ! L’Agence Internationale de l’Energie a calculé que la contribution du nucléaire à la réduction des émissions de CO2 serait d’à peine 6 % pour un coût d’au moins 1 000 milliards d’euros... contre 54 % pour les économies d’énergie et 21 % pour les énergies renouvelables, à un coût très inférieur ! (1)
 
partie 2, 7:20
« A la fin, vous avez seulement 4% du combustible usagé d’origine. Les 4% restant, nous travaillons beaucoup pour les faire disparaître aussi et pour s’assurer que tout sera brûlé. En laboratoire, nous savons comment faire disparaître ces derniers 4%. »
Anne Lauvergeon est une magicienne. En 3 phrases, pfouit, elle fait disparaître des tonnes de déchets radioactifs ! C’est invraisemblable d’entendre ça. C’est un discours trompeur et mensonger. Dans la partie 3, en réponse à une question d’un journaliste, elle fait disparaître l’hydrogène… Avec Areva, le monde devient si simple…
 
Pour terminer, si vous ne l’avez pas encore fait, je vous encourage à voir l’interview de Jérémy Rifkin avec la vidéo intitulée « Le nucléaire est mort ». Son discours va à l’opposé de l’ex-PDG d’Areva et ses arguments sont plutôt convaincants.
 
 
(1) Agence Internationale de l’Energie, "Energy technology perspectives 2008, Scenarios and strategies to 2050", 2008 ; cité dans Les cahiers de Global Chance n°25, "Nucléaire : la grande illusion", 2008, p.17.
 
 
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Autre article sur Anne Lauvergeon dans ce blog :
 

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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 14:31

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Hier, jeudi 4 août 2011, quatre mois et deux jours après la création de ce blog, mon compteur de visiteurs uniques a dépassé le nombre de 100 000, correspondant à l’ouverture de plus de 230 000 pages. Cela ne veut pas dire grand-chose à vrai dire, c’est juste un nombre. Mais quand même, symboliquement ... Pour autant, cela ne signifie pas que 100 000 visiteurs différents sont venus visiter ce blog : ce total est la somme des totaux de visiteurs uniques par jour.

 

Quand j’ai commencé ce blog début avril, je ne m’attendais pas à ça. En fait, je remarque que moins les médias traditionnels parlent de la catastrophe de Fukushima et plus le blog est visité. Il est certain qu’à force de ne pas traiter correctement l’information, ils vont perdre des lecteurs et des auditeurs qui se tourneront de plus en plus vers l’Internet.

 

Cet été, vous êtes entre 1000 et 2000 par jour à visiter le blog de Fukushima selon les articles et les évènements. J’aimerais pouvoir poster plus d’informations, car il y en a beaucoup, mais la recherche d’informations vérifiées, la rédaction d’un article et la gestion d’un site prend du temps et une journée n’a que 24 heures. C’est pourquoi je mets en page d'accueil la liste des sites des veilleurs de Fukushima où vous pouvez trouver des fils d’info au jour le jour, des forums techniques, des forums sociaux, des analyses, des revues de presse, des documents, etc. de grande qualité.

 

Je suis enchanté que tant de monde diffuse de l’information sur Fukushima, et également heureux que beaucoup d'internautes s’y intéressent, car cela montre que nous sommes arrivés à un tournant historique en matière d’énergie. Car le 21ème siècle va devenir le siècle de l’économie d’énergie et de l’énergie renouvelable.

 

Les historiens ont pour habitude de faire commencer les siècles à des moments clés de l’Histoire. Par exemple, le 18ème siècle historique a commencé en 1715 avec la disparition de Louis XIV et l’avènement des Lumières, le 19èmesiècle a commencé en 1815 avec la défaite de Napoléon et le Traité de Paris qui a réorganisé l’Europe, le 20ème siècle a débuté en 1914 avec l’abandon de la paix et la généralisation de l’industrie polluante. Je propose que le 21ème siècle historique commence en 2011 avec la catastrophe de Fukushima et la sortie progressive de l’énergie nucléaire. De plus, cette crise nucléaire arrive au même moment qu’une grave crise financière mondiale, ce qui n’est sans doute pas sans rapport puisque ce sont bien les actionnaires du nucléaire qui font baisser les coûts de production au mépris des règles de base de la sécurité, autant pour la construction des réacteurs que pour leur maintenance.

 

L’Allemagne, l’Italie, la Suisse et l’Autriche ont déjà décidé de sortir du nucléaire, ces pays nous montrent la voie. Le Japon, suite aux conséquences tragiques de la dissémination de la radioactivité dans l’île, va bientôt se réveiller et prendre également cette décision, les déclarations du premier ministre Naoto Kan vont d’ailleurs dans ce sens. Même si cela doit encore prendre quelques années, le processus est enclenché et plus rien ne pourra l’arrêter.

 

Puisse la France et les autres puissances mondiales encore trop engagées dans cette énergie prendre cette décision assez tôt !

 

Cela dépendra de nous, chers visiteurs. En attendant, 100 000 mercis à vous pour votre fidélité. Et 100 000 mercis aux autres veilleurs de Fukushima de continuer à diffuser de l’information de qualité.

 

Continuez à vous informer, passez le message de l’abandon de l’énergie nucléaire et portez le flambeau des énergies propres partout où vous pouvez ! Il en va de l’avenir pérenne de nos sociétés et de la sauvegarde de l’espèce humaine.

 

Pierre Fetet

 

 

 

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avatar-le-blog-de-fukushima.jpg Si vous découvrez mon blog, vous pouvez prendre connaissance des 181 posts ou article classés par ordre chronologique à cette page :

http://fukushima.over-blog.fr/pages/Articles_du_blog_de_Fukushima-5491927.html

 

 

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Pour ceux que ça intéresse, voici l'image de mes statistiques fournies par Overblog

(en orange, les 19 derniers jours, en grisé, les 30 jours précédents)

 

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 18:28

 

Quand on s'intéresse à Fukushima, on arrive tôt ou tard à s'intéresser à l'énergie nucléaire dans sa globalité : mines d'uranium, fonctionnement d'une centrale nucléaire, déchets radioactifs, accidents nucléaires, effets sanitaires, lutte anti-nucléaire, etc.

 

 

 

Voici une liste de sites incontournables (mise à jour régulièrement) :

 

 

 

Independent WHO

 

http://independentwho.org/fr/

 

 

 

IndependentWHO” - dont la traduction française est “OMS Indépendante”- est un collectif d’associations créé en 2006 pour demander la révision de l’Accord “WHA 12-40” signé entre l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Depuis la signature de cet accord, l’OMS s’interdit toute autonomie d’initiative et de moyens pour protéger les populations contre les conséquences sanitaires de la contamination radioactive. Ainsi sur ce sujet, l’OMS ne fournit pas l’information essentielle, n’entreprend pas les actions appropriées comme l’exige sa constitution afin “d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible.” (Article I de la constitution de l’OMS)
 

 

 

 

La Gazette nucléaire

 

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La Gazette nucléaire est une publication du GSIEN (Groupement des Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire). Le journal papier existe depuis juin 1976 mais tous les anciens numéros sont aussi disponibles en ligne. Née de l’opposition au programme électronucléaire français, La Gazette nucléaire diffuse de l'information issue de textes officiels ou de textes confidentiels gardés sous le boisseau. Les contributeurs de ce journal sont tous soucieux d'empêcher que les informations officielles du nucléaire se transforment en propagande. C’est donc une source considérable d’informations en tout genre à utiliser sans modération.

 

 

 

 

 

Le Réseau « Sortir du nucléaire »

 

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Le Réseau "Sortir du nucléaire" rassemble aujourd'hui  905 associations, plus de 50 000 individus, tous signataires de la Charte du Réseau "Sortir du nucléaire". Association libre et indépendante, elle est financée exclusivement grâce aux dons et cotisations de ses membres.

 

Le rôle du réseau est de réunir toutes les personnes qui souhaitent exprimer leur volonté d'une sortie du nucléaire. En rassemblant ses adhérents autour d'une Charte, il met en place un rapport de force pour obtenir des résultats concrets. L’objectif du réseau est d’obtenir l'abandon du nucléaire en France grâce à une autre politique énergétique, en favorisant notamment la maîtrise de l'énergie, et le développement d'autres moyens de production électrique.

 

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 01:46
Témoignage de Norio HIRAI,
technicien chaudronnier du nucléaire,
(rédigé en 1996)
source en japonais :
source en français :
 
unité 3 moyenne face cachée 110316 1f sora 1 - CopieCe témoignage est édité en 2 parties
Cette page est la deuxième partie (paragraphes 11 à 21)
 
 
 
 
 
 
 
SOMMAIRE
 
 
1. Je ne suis pas militant contre les centrales nucléaires
2. La sécurité, une perspective chimérique
3. Les centrales nucléaires construites par des gens sans qualification 
4. Les contrôles et les inspecteurs d’apparence
5. Le plan antisismique bâclé
6. Le contrôle régulier est fait également par les gens incompétents
7. Le déversement de radioactivité dans la mer
8. Le plus horrible, c’est l’irradiation interne (la contamination)
9. Rien à voir avec le chantier normal
10. Le lavage de cerveau « absolument sûr » qui dure 5 heures
11. Qui va sauver les ouvriers du nucléaire ?
12. L’accident de la centrale Mihama a été une mauvaise surprise
13. L’accident de Monju
14. Le plutonium japonais dans les armes nucléaires françaises ?
15. Le Japon qui n’ose pas interrompre le projet
16. On ne peut ni démonter, ni démolir
17. La surveillance et l’entretien après la fermeture
18. Les déchets nucléaires qu’on ne sait même pas traiter
19. L’irradiation et la discrimination affreuse des habitants
20. Puis-je avoir des enfants ?
21. On ne peut jamais être en sécurité si la centrale nucléaire ne disparaît pas.
 
 
11. Qui va sauver les ouvriers du nucléaire ?
 
Une fois, dans la centrale de Fukushima de TEPCO, un ouvrier s’est blessé gravement le front avec un polissoir automatique. Comme il saignait beaucoup, on a appelé l’ambulance pour l’emporter à l’hôpital de toute urgence. Pourtant, ce blessé était plein de radioactivité. TEPCO s’est tellement précipité qu’ils n’ont pas ôté ses combinaisons de protection ni l’ont lavé à l’eau. Les secouristes connaissant peu de la contamination radioactive, alors ils l’ont fait entrer dans l’hôpital sans enlever la radioactivité. Les secouristes ont été contaminés, l’ambulance a été contaminée, le docteur et les infirmières ont été contaminés, et les clients de l’hôpital ont été contaminés, et ils sont sortis de l’hôpital avec de la radioactivité... Cet événement a pris une telle ampleur qu’il a mis une ville entière dans la panique. Ils voulaient tout simplement sauver aussi vite que possible un homme qui portait une grande blessure. Mais comme la radioactivité ne se voit pas, personne n’a eu le temps de penser à la contamination radioactive.
 
Avec une seule personne, c’était déjà une grande panique. Si un grand nombre d’habitants devenait contaminé par la radioactivité à cause d’un grave accident, qu’est ce que ça pourrait donner? Pouvez-vous l’imaginer? Vous devez vous sentir concerné. Il s’agit de tout le monde au Japon.
 
 
 
12. L’accident de la centrale Mihama a été une mauvaise surprise
 
J’ignore si vous ne le savez pas ou si vous n’êtes pas simplement intéressés, mais les centrales nucléaires japonaises ont déjà connu plusieurs accidents qui doivent faire peur à tout le monde. Ils pourraient être équivalents à ceux de Three Mile Island et de Tchernobyl. Par exemple, en 1989 dans la centrale de Fukushima Daïni, la pompe de recyclage a volé en éclats. C’était un accident qui n’était jamais été arrivé dans le monde jusqu’à alors.
 
Ainsi, l’accident de la centrale de Mihama de la compagnie de l’électricité du Kansai en 1991, avec l’éclatement d’une canalisation, a été un accident très grave. Il a rejeté une énorme quantité de radioactivité directement dans l’air et dans la mer.
 
L’accident de Tchernobyl ne m’a pas beaucoup surpris. En construisant des centrales nucléaires, je savais qu’on ne peut pas éviter une telle catastrophe. « Par hasard, c’est arrivé à Tchernobyl. Par hasard, ce n’est pas arrivé au Japon ». C’est ce que j’ai pensé. Mais au moment de l’accident de Mihama, la peur a fait flageoler mes jambes et je ne pouvais pas me lever de ma chaise.
 
On peut dire que cet accident a été très grave car on a dû démarrer le système de refroidissement de secours à la main. Ce système de refroidissement est le dernier rempart pour protéger la sécurité de la centrale nucléaire. Si ce système ne marche pas, il ne reste plus rien à faire. Cet accident où il a fallu utiliser le système de refroidissement de secours est pour moi comme un autocar qui roule à 100km par heure sur l’autoroute avec 120 millions personnes à bord, dont le frein de service ne fonctionne pas, ni le frein à main, et enfin on réussit à l’arrêter en le précipitant contre le rocher.
 
Au moment de l’accident, l’eau radioactive qui se trouvait dans le réacteur s’est échappée dans la mer et on était sur le point que le cœur se retrouve à sec. Toutes les soupapes de sécurité, autrement dit les innombrables mesures de précautions dont le Japon était fier, n’ont pas donné suffisamment d’effet et un autre Tchernobyl aurait pu se produire à 0,7 seconde près. Heureusement, un ouvrier expérimenté était là, bien que ce fut le samedi. Le système d’arrêt automatique n’ayant pas fonctionné, c’est lui qui a jugé la gravité de la situation et arrêté manuellement le réacteur. Ainsi, on a échappé de justesse à un grave accident qui aurait pu concerner le monde entier. On peut dire que tous les japonais, ou même, tous les humains ont eu vraiment de la chance ce jour-là.
 
Cet accident a été causé par une mauvaise installation d’une des entretoises qui sert à tenir les milliers de tuyaux d’un diamètre de 2 mm pour qu’ils ne se touchent pas à cause de la vibration. C’était un défaut de construction. Cet accident a en même temps dévoilé l’incertitude des contrôles systématiques, car personne n’a remarqué cette mauvaise installation pendant plus de 20 ans. On s’est également aperçu que les ouvriers du chantier pratiquaient des choses que le concepteur n’a jamais pu imaginer comme: si c’est trop long on le coupe, si c’est trop court on l’allonge.
 
 
 
13. L’accident de Monju
 
Le 8 décembre 1995 à Kouga du département de Fukui, il y a eu un accident grave, une fuite de sodium dans le surgénérateur de Monju, du Centre de recherche des réacteurs et des combustibles nucléaires. Ca faisait déjà plusieurs fois qu’on avait des accidents à Monju. D’ailleurs, on m’a appelé au chantier de Monju, 6 fois, car mes anciens subordonnés y sont devenus directeurs ou superviseurs ou ouvriers de la construction de Monju et ils m’appelaient chaque fois qu’ils avaient des problèmes. A l’époque, j’avais déjà pris ma retraite, mais je ne pouvais pas laisser tomber car je savais que même un seul accident est inacceptable dans les centrales nucléaires.
 
Un jour, on m’a donc demandé de venir au chantier de Monju, car ils n’arrivaient pas à emboîter les tuyaux. En arrivant, j’ai bien constaté que tous les tuyaux qui sont préfabriqués comme ceux qui sont faits sur commande étaient de la bonne taille et installés en respectant le plan. Mais ils ne pouvaient tout de même pas les emboîter. J’ai beaucoup réfléchi mais je n’arrivais pas à trouver la cause. En cherchant toute la nuit, j’ai enfin compris. Monju était construit par plusieurs fabricants comme Hitachi, Toshiba, Mitsubishi et Fuji. Et chaque fabricant employait des normes de plan différentes.
 
Pour dessiner les plans, chez Hitachi où j’ai travaillé, on négligeait moins que 0,5mm. Mais chez Toshiba et Mitsubishi, on l’arrondissait à la valeur supérieure. Et chez Nihongenken on arrondissait à la valeur inférieure. Ce n’est que 0,5mm, mais quand il y a 100 fois, ça fait une grande différence. C’est pour cela qu’on ne pouvait pas emboîter les tuyaux bien que tous respectaient le plan.
 
Comme ça n’allait pas, on leur a fait refaire des pièces. C’était le prestige du pays qui était en jeu. Pour ça, on ne dépensait jamais trop d’argent.
 
Pourquoi une telle chose est arrivée? Parce que chaque entreprise gardait ses savoir-faire et ses propres informations. Ils n’ont pas discuté pour se mettre d’accord sur la façon de traiter ces 0,5mm, pour garder leurs secrets. Je suppose aussi qu’ils n’ont rien non plus discuté sur le thermomètre qui a été la cause directe de l’accident de 1995.
 
Dans n’importe quel ensemble industriel, on installe le même type de thermomètre dans les tuyauteries. Mais je n’ai jamais vu de thermomètre qui était aussi long que celui de Monju. Je suis sûr qu’il y avait quelqu’un qui avait remarqué que c’était dangereux au moment de la construction. Mais il n’a rien dit car ce n’était pas son entreprise qui s’en occupait et il n’en était pas responsable.
 
Le fabricant du surrégénérateur était formé d’une équipe composite comme le Centre de recherche, lui même était une équipe composite des compagnies d’électricité. Dans une condition pareille, l’accident est inéluctable. Je ne vois pas comment ça ne pouvait pas arriver.
 
Ce qui est encore incroyable, c’est que le gouvernement ne le reconnaît toujours pas comme un accident bien que ça a été un accident très grave. Il a expliqué qu’ « il y a eu un phénomène » comme pour l’accident de la centrale de Mihama. Peu après l’accident de Monju, j’ai été appelé par le Conseil Général de Fukui. Dans le département, on compte 15 réacteurs nucléaires. Ce sont les députés du parti Libéral-Démocrate qui les ont acceptés et je leur disais toujours « S’il y a un accident, ce sera de votre faute. Ceux qui étaient contre le nucléaire ne sont pas responsables ». Et bien cette fois-ci, ils m’ont demandé conseil en disant « Cette fois, on a décidé de se battre contre le Centre de recherche. On ne peut plus fermer les yeux ».
 
Je leur ai dit d’abord « C’est un accident. Il ne faut pas se laisser duper par le mot phénomène ». A la télévision, au moment du compte rendu fait par le Centre de recherche au Conseil Général, le porte-parole du Centre a employé le mot « le phénomène de cette fois-ci », et aussitôt un député a crié « Non, c’est un accident ! ». Mais, si on n’avait rien dit, le Centre et le gouvernement l’auraient passé comme un simple phénomène. Non seulement les riverains, mais aussi tout le monde doit faire attention à ce mot qui présente les choses à la légère.
 
Les peuples comprennent les choses d’une façon complètement différente selon qu’on dit un accident ou un phénomène. C’est parce que le gouvernement joue avec les mots que le peuple japonais n’est pas sensible au risque d’accident nucléaire, c’est une tromperie.
 
 
 
14. Le plutonium japonais dans les armes nucléaires françaises ?
 
Le plutonium qu’on utilise dans le surgénérateur de Monju est extrait, sur commande du Japon, à partir du recyclage effectué en France. Le recyclage du combustible nucléaire consiste à extraire du plutonium des déchets d’uranium, déjà brûlés dans les centrales. Le plutonium est une matière que l’on peut produire uniquement de manière artificielle.
 
A Monju, on utilise environ 1,4 tonnes de plutonium (à la fois dans le réacteur). La bombe de Nagasaki contenait environ 8 kg de plutonium. Alors, combien de bombes nucléaires peut-on produire à partir du plutonium de Monju ? Le plutonium est une matière très dangereuse qui est capable de provoquer le cancer des poumons à partir de quantités très faibles. Sa demi-vie radioactive est de 24 000 ans, presque l’éternité (pour nous). C’est ainsi que l’on a choisi le mot Pluton : le nom du roi des Enfers, pour sa racine. On a bien raison de le considérer comme la matière la plus dangereuse du monde.
 
Mais combien de gens savent qu’il y a une grande probabilité pour que le plutonium japonais ait été utilisé dans les essais nucléaires français effectués dans le Pacifique Sud jusqu’en 1995 ? Dans le centre de recyclage français, ils ne distinguent pas le plutonium destiné aux armes nucléaires du plutonium à utiliser dans les centrales. C’est donc quasiment sûr que du plutonium japonais a été utilisé dans les essais nucléaires. 
 
C’est la raison pour laquelle le gouvernement japonais ne pouvait pas déclarer ouvertement son opposition contre les essais nucléaires français. Si le Japon voulait arrêter la France, c’était très facile. Il lui suffisait de renoncer au contrat de recyclage. Mais il n’en a rien fait.
 
Le marché du recyclage nucléaire prend la deuxième place dans l’ensemble des transactions commerciales entre ces deux pays. A quoi cela sert de crier « non aux essais nucléaires » sans savoir cette réalité ? Le Japon avance son statut de seul pays irradié. Mais nous avons certainement contribué indirectement à irradier les habitants de Tahiti et à contaminer l’Océan Pacifique.
 
La communauté internationale a déjà abandonné le plutonium. Il n’y a que le Japon qui persiste à essayer de produire de l’électricité avec une matière si dangereuse. Ils essaient maintenant d’utiliser le combustible MOX, mélange d’uranium et de plutonium, dans les réacteurs ordinaires. Mais c’est excessivement dangereux, c’est un peu comme brûler de l’essence dans un chauffage à fioul. Les centrales n’ont pas été conçues pour brûler du plutonium. La fission nucléaire du plutonium dégage beaucoup plus d’énergie que celle de l’uranium. C’est pour cette raison qu’on l’utilise pour fabriquer la bombe atomique.
 
Le Japon est un pays qui ne possède pas beaucoup de ressources énergétiques naturelles. Mais cela ne justifie pas une telle erreur. Si l’on n’arrête pas les centrales nucléaires, si l’on n’abandonne pas le plutonium, le nombre des gens irradiés va augmenter partout dans le monde.
 
 
 
15. Le Japon qui n’ose pas interrompre le projet
 
Dans le monde, le temps de l’énergie nucléaire est bientôt terminé. En février 1996, les Etats-Unis ont déclaré leur projet de diminuer le nombre de centrales nucléaires américaines de moitié d’ici 2015. Le président a également ordonné d’arrêter l’extraction du plutonium. Il est si redoutable qu’ils ont arrêté même les recherches scientifiques.
 
Les Etats-Unis, comme l’Angleterre et l’Allemagne, ont déjà arrêté les centrales surgénératrices où l’on brûle du plutonium comme celle de Monju. L’Allemagne a stoppé celle qu’elle avait achevée (Kalkar) et a construit un parc de loisir (Wunderland) à la place. La plupart des pays ont renoncé car ils ont compris que c’est impossible de produire de l’électricité à partir du plutonium. Le gouvernement japonais doit savoir qu’il a commis une erreur. Mais il n’a pas encore abandonné le plutonium. Il a même annoncé la reprise du projet.
 
Pourquoi le Japon n’abandonne pas ? Parce que c’est un pays qui n’a pas assez de courage pour interrompre les projets déjà votés. C’est vraiment dangereux, mais je peux vous donner beaucoup d’exemples montrant ce caractère du gouvernement.
 
La politique nucléaire du Japon est vraiment mal organisée. Le gouvernement n’a pas réfléchi aux conséquences. Il espérait toujours que la situation s’arrangerait avec le temps. Il était toujours irresponsable dans ses décisions. Des décennies sont déjà passées, et il n’a même pas trouvé de solution pour traiter ses déchets nucléaires.
 
Un autre problème : auparavant, il y avait toujours beaucoup d’étudiants dans le domaine de l’énergie nucléaire. Désormais, les jeunes ne choisissent plus cette spécialité, qui a disparu de presque toutes les universités, comme de l’Université de Tokyo. Les étudiants ne veulent même plus faire de recherche fondamentale dans ce domaine.
 
Ainsi les laboratoires de recherche d’Hitachi et Toshiba ont été réduits par trois. Ils se consacrent plus pour la recherche sur les turbines à gaz de la cogénération, des réacteurs plus efficaces pour produire de l’électricité et de l’eau chaude en même temps. Même les fabricants commencent à abandonner le nucléaire.
 
Takehisa Shimamura, ancien chef du Centre du nucléaire, a publié un livre intitulé « Le sermon du nucléaire ». Il y écrit: « Le gouvernement japonais s’amuse à justifier ses actes du passé sans réfléchir. Ce n’est pas qu’il n’y a pas assez d’électricité. C’est qu’il possède trop d’uranium et de plutonium inutiles, l’uranium et le plutonium qu’il n’a pas osé refuser. Et maintenant, pour prouver qu’il ne produit pas des armes nucléaires, il construit de plus en plus de centrales, la démonstration de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire ». Je pense qu’il décrit très bien la nature de ce pays.
 
 
 
16. On ne peut ni démonter, ni démolir
 
La première centrale nucléaire commerciale au Japon a démarré en 1966 dans la commune de Tokaido, dans le département d’Ibaraki. C’était un réacteur anglais d’une puissance de 160 mégawatts. Depuis, des centrales américaines ont été installées, et le Japon s’est même mis à construire ses propres centrales. Actuellement, 51 centrales nucléaires fonctionnent dans ce petit pays, la plus grande étant de 1.350 mégawatts.
 
On les a mises en route sans savoir concrètement comment les démonter ni les démolir, ni comment traiter leurs déchets. Le réacteur en acier, bien que d’une grande épaisseur, se fragilise à cause des quantités colossales de radioactivité, on les avait donc construites pour une exploitation de 10 ans, après quoi le démantèlement et la démolition étaient prévus. Mais en 1981, on s’est aperçu que les plans de démantèlement et de démolition de la centrale nucléaire de Fukushima, qui avait alors fonctionné 10 ans, n’étaient pas du tout réalisables. Le Parlement a même discuté sur le fait que ce réacteur ne pouvait plus résister aux rayonnements ionisants.
 
A l’époque, j’ai participé aussi à la recherche de solutions. Nous avons tous les jours étudié différents modes de démolition. Mais nous avons seulement compris que, pour démonter et démolir cette centrale nucléaire pleine de radioactivité, des dépenses représentant plusieurs fois le budget de sa construction seraient nécessaires, et qu’une irradiation trop importante des ouvriers serait inévitable. Car on ne peut travailler que quelques dizaines de secondes près du réacteur si l’on veut respecter la norme.
 
Tout est réalisable sur le papier, mais concrètement, les ouvriers doivent tout faire à la main, avec l’irradiation que cela implique. On ne peut donc rien faire avec cette radioactivité, ni démonter, ni démolir la centrale. Certaines personnes parlent d’envoyer des robots, mais les nombreuses recherches n’ont pas encore réussi à produire des robots qui ne se dérèglent pas à cause de la radioactivité.
 
Finalement, concernant la centrale de Fukushima, on a conclu que la démolition était irréalisable. Le fabricant américain qui a vendu cette centrale a envoyé des ouvriers au Japon, et il les a fait réparer le réacteur en les exposant à des quantités de radioactivité inimaginables par rapport à la norme japonaise. Aujourd’hui, cette centrale fonctionne toujours.
 
Alors qu’on avait prévu de l’utiliser 10 ans, elle a déjà fonctionné plus de 30 ans. Au Japon, il y a 11 centrales que l’on exploite toujours malgré leur vieillissement, cela m’inquiète beaucoup.
 
Le réacteur nucléaire de 100 kilowatts destiné à la recherche s’est arrêté suite à une fuite de radioactivité dans l’Université Industrielle Musashi à Kawasaki, dans le département de Kanagawa. On estime qu’il aurait fallu 2 milliards de yens pour la réparation et 6 milliards de plus pour le démantèlement. Le budget annuel de l’Université ne suffit même pas pour la démonter. Ils sont donc obligés de l’arrêter et l’entretenir jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de radioactivité.
 
Si cela avait été un grand réacteur de 1.000 mégawatts, on n’aurait vraiment rien pu faire.
 
 
 
17. La surveillance et l’entretien après la fermeture
 
Pourquoi on ne peut pas démonter une centrale nucléaire ? Comme elle fonctionne avec de l’eau et de la vapeur, on ne peut pas la laisser sans entretien après l’arrêt. Elle se rouillerait très vite et il y aurait des fuites de radioactivité par des trous. Un seul démarrage avec du combustible nucléaire suffit pour polluer la centrale. Et une fois polluée, on ne peut plus la laisser se reposer, ni la démonter, ni la démolir.
 
Il y a beaucoup de centrales nucléaires qui ont été fermées dans des pays développés. Elles sont fermées car ils ne peuvent pas les démonter ni les démolir. Fermer une centrale nucléaire, ça veut dire qu’on arrête de produire de l’électricité et qu’on retire le combustible. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire.
 
Actuellement, le Japon compte 54 réacteurs nucléaires pour produire de l’électricité, 51 en fonctionnement et 3 en construction. Il y en a plusieurs qui sont trop dangereux pour continuer à les exploiter. Il ne faut pas oublier les réacteurs pour la recherche possédés par des universités et des entreprises. Donc dans tout le Japon, il y a 76 réacteurs, de 100 kilowatts à 1.350 mégawatts.
 
Mais je me demande si les compagnies d’électricité vont continuer à surveiller sérieusement les centrales fermées qui ne produisent plus d’électricité ni d’argent. D’un autre côté, elles cherchent à construire de nouvelles centrales et à agrandir celles qui sont déjà construites. Par exemple, elles veulent ajouter un 5ème réacteur sur le site de Hamaoka qui se trouve sur un endroit très dangereux par rapport à la faille qui provoque souvent des tremblements de terre dans la région de Tokai. A Fukushima, elles ont ajouté un nouveau réacteur sur le terrain de football. Pour des nouvelles installations, elles veulent construire des centrales à Makimachi dans le département de Nigata, Ashihama du Mie, Kaminoseki du Yamaguchi, Suzu du Ishikawa, et Ooma et Toudu d’Aomori. Elles envisagent d’avoir de 70 à 80 réacteurs d’ici 2010. J’ai peur que mes mots soient brutaux mais je n’arrive pas à m’empêcher de penser que ce pays est devenu fou.
 
Bientôt, la fermeture des vieilles centrales nucléaires va sûrement venir. C’est un grand problème. Imaginez des centrales nucléaires fermées qui apparaissent partout dans le Japon dans l’avenir assez proche. Vous ne pensez pas que c’est non seulement inquiétant mais macabre?
 
 
 
18. Les déchets nucléaires qu’on ne sait même pas traiter
 
Il faut aussi parler des déchets nucléaires qu’on produit chaque fois qu’on fait tourner les réacteurs, ça veut dire tous les jours. En parlant déjà des déchets nucléaires de faible activité, il y en a 800.000 fûts dans le Japon. On utilise le mot faible mais il y en a qui sont tellement forts en radioactivité qu’on peut recevoir la dose létale en restant uniquement 5 heures à côté.
 
Depuis le démarrage de la première centrale nucléaire au Japon jusqu’en 1969, dans toutes les centrales, on mettait tous les déchets nucléaires dans des fûts et les jetait dans les mers à proximité. A l’époque, c’était normal. Quand je travaillais dans la centrale de Tokai du département d’Ibaraki, les sous-traitants emportaient les fûts en camion et ils les jetaient au large de Chiba en bateau.
 
Mais justement c’est avec cette histoire que j’ai commencé à douter qu’il y a quelque chose qui n’est pas clair dans les centrales nucléaires. Les fûts métalliques se rouillent au bout de 1 an dans la mer. Je me suis demandé ce qui se passerait avec les déchets nucléaires qui étaient dans les fûts et les poissons qui habitent dans la mer.
 
Maintenant, on rassemble les déchets nucléaires à Rokkasyo dans le département d’Aomori. Ils prétendent surveiller 3 millions de fûts de déchets nucléaires pendant 300 ans. Mais je me demande déjà s’il existe le fût qui fait de l’usage pendant 300 ans. Et durera-t-elle aussi cette entreprise sous-traitante pendant si longtemps ? Qui peut assurer tous ces problèmes ?
 
Et puis, parlons des déchets nucléaires de haute activité. C’est le déchet qui reste après l’extraction du plutonium du combustible usé. Le Japon commande cette extraction à l’Angleterre et à La France. En 1995, la France a retourné 28 barres de déchets de haute radioactivité. Ce sont des mélanges de déchets de haute radioactivité et de verre enfermés dans un container métallique. J’ai entendu que le fait de rester 2 minutes à côté de ce container suffit pour tuer quelqu’un. Le gouvernement dit qu’il va garder ces barres fortement radioactives pendant 30 ou 50 ans tout en les refroidissant à Rokkasyo du département d’Aomori et les transporter quelque part ailleurs pour les enfouir en profondeur. Quelque part qu’il ne sait pas encore où ça pourrait être. Dans tous les autres pays, ils planifient l’enfouissement des déchets nucléaires de haute radioactivité, mais il y en a aucun qui l’a déjà accompli. Personne ne connaît la solution.
 
Pour le bâtiment de la centrale nucléaire elle même, le gouvernement japonais envisage de la fermer hermétiquement pendant 5 ou 10 ans et l’enterrer en dessous du terrain où la centrale a été, après l’avoir démolie en petits morceaux et mis en fûts métalliques. C’est un projet très optimiste mais la démolition d’un seul réacteur donnera des dizaines de milliers de tonnes de déchets plein de radioactivité. Comment peut-on trouver la place pour tous ces déchets dans un pays où on manque même de place pour jeter les ordures ménagères ? En tout cas, c’est bien clair que le Japon sera encombré de déchets nucléaires un jour. Il faut faire quelque chose. Il faut qu’on arrête les centrales nucléaires aussi vite que possible.
 
Il y a environ 5 ans, j’ai été faire une conférence sur mon travail à Hokkaido. Quand j’ai dit « on va continuer à surveiller les déchets nucléaires pendant 50 ans ou 300 ans », une collégienne a levé sa main. Elle a crié « J’ai une question. En parlant de la surveillance des déchets qui dure 50 ou 300 ans, est ce que c’est vous qui allez le faire ? Non, ce n’est pas vous, les adultes d’aujourd’hui, c’est nous, la prochaine génération, et les générations qui suivent. Mais nous, nous n’avons pas envie de le faire ! » Est-ce que quelqu’un peut donner une réponse à cette fille ?
 
Quand on dit «surveiller 50 ans ou 300 ans», peut-être ça vous donne l’impression que tout sera fini au bout de ces durées. Mais s’il y a toujours des centrales nucléaires qui fonctionnent, ce sont des 50 ans et 300 ans qui se renouvellent pour toujours.
 
 
 
19. L’irradiation et la discrimination affreuse des habitants
 
Le gouvernement et les compagnies d’électricité ont menti pendant des dizaines d’années en disant que les centrales nucléaires japonaises n’avaient jamais émis de radioactivité à l’extérieur. Mais depuis quelque temps, ils ne peuvent plus continuer leurs mensonges.
 
Il y a de la radioactivité qui sort des cheminées très hautes des centrales nucléaires. Très précisément, c’est la compagnie qui la rejette volontairement. Comme elle la rejette 24 heures sur 24, les habitants à côté prennent de la radioactivité tout au long de l’année
 
J’ai reçu une lettre d’une jeune femme de 23 ans. J’ai vu des traces de larmes sur l’enveloppe. Elle m’a écrit « J’ai trouvé un travail à Tokyo et rencontré un homme. Nous nous sommes fiancés et nous avons déjà fini la pré-cérémonie du mariage avec la famille. Mais il a subitement rompu nos fiançailles. Il m’a expliqué que ce n’est pas du tout de ma faute et il aimerait bien aussi se marier avec moi. Mais ses parents se sont aperçus que j’ai grandi à Atsuga dans le département de Fukui et qu’il y a plus d’enfants leucémiques à côté des centrales nucléaires. Comme ils n’ont pas envie d’avoir leur petit enfant leucémique, ils ne sont plus d’accord avec notre mariage. Dites-moi, pourquoi je dois subir une telle chose ? ». Qui a droit de faire vivre un tel drame à cette jeune femme ? En plus, je connais plein d’autres histoires pareilles.
 
Cette histoire n’est pas arrivée à côté d’une centrale nucléaire. Elle est arrivée à Tokyo. Est-ce que vous pouvez approuver sans aucun souci le mariage entre un homme qui a déjà travaillé dans les centrales nucléaires avec votre fille ou la femme qui a vécu à côté d’une centrale nucléaire comme elle avec votre fils ? Les jeunes doivent également se sentir concernés car vous pouvez très bien tomber amoureux de quelqu’un d’irradié. Je sais qu’en parlant de cette discrimination, je pourrais provoquer encore plus de discrimination. Mais il faut que je vous informe. Pour les gens qui sont déjà opposés aux centrales nucléaires, j’aimerais bien que ce problème soit un de leurs arguments et pas seulement parce qu’ils ont peur des accidents. Ce n’est pas seulement la Nature et la santé humaine que les centrales nucléaires détruisent, elles détruisent aussi le cœur des hommes.
 
 
 
20. Puis-je avoir des enfants ?
 
Pour finir, je vous raconte une histoire qui m’a beaucoup choqué. Une histoire qui m’est arrivée au cours d’une conférence organisée par le syndicat des instituteurs à Kyowa de Hokkaido qui se situe à côté de la centrale Tomari. Je ne manque pas d’en parler chaque fois. J’aimerais bien que vous vous rappeliez de cette histoire même si vous oubliez les autres.
 
La conférence a eu lieu le soir. Il y avait environ 300 personnes, à peu près moitié de parents et moitié d’instituteurs et professeurs. Mais il y avait aussi quelques collégiens et lycéens car ils pensaient que les centrales nucléaires sont des problèmes de leur génération et pas seulement ceux des adultes.
 
Une fois que j’ai eu fini mon discours, j’ai demandé s’il y avait des questions. Une fille de deuxième année de collège a levé sa main en pleurant et elle s’est exprimée :
 
« Vous, les adultes qui se sont réunis ce soir, vous êtes tous des menteurs et des hypocrites. Je suis venue ici aujourd’hui pour voir quelle tête vous faites. Les adultes d’aujourd’hui, notamment ceux qui sont là, vous êtes toujours en train de faire semblant d’agir pour les enfants pour tous les choses. Le problème des pesticides, les terrains de golf, les centrales nucléaires. Moi, je vis à Kyowa juste à côté de la centrale de Tomari. Je reçois de la radioactivité sans cesse. J’ai lu qu’à Sellafield en Angleterre, à côté de l’usine nucléaire, il y a plus d’enfants leucémiques qu’ailleurs. Moi, en tant que fille, je rêve de me marier un jour. Est ce que je peux avoir des enfants ? »
 
Cette fille a demandé en pleurant aux 300 adultes qui se trouvaient devant elle. Mais personne ne pouvait lui répondre.
 
Elle a continué: « Si vous savez que les centrales nucléaires sont dangereuses, pourquoi vous n’avez pas manifesté au moment de la première construction ? Pourquoi vous ne manifestez que maintenant ? En plus, vous avez même laissé construire le deuxième réacteur. Je préfère ne pas avoir d’électricité qu’avoir la centrale nucléaire ». Justement, le deuxième réacteur de la centrale Tomari venait d’entamer sa mise en route.
 
« Je ne comprends pas pourquoi vous faites cette conférence si tard. Si j’étais un adulte qui avait des enfants, j’arrêterais la centrale même au risque de ma vie ». Elle a ajouté en pleurant « Maintenant avec le deuxième réacteur, je reçois 2 fois plus de radioactivité. Mais je n’abandonnerai pas Hokkaido ».
 
Je lui ai demandé si elle avait déjà confié son inquiétude à sa mère ou à son professeur. Elle m’a répondu « Je sais que ma mère et mon professeur sont ici aujourd’hui. Je ne leur ai jamais posé des questions. Mais entre les filles de la ville on en parle tout le temps qu’on ne peut pas se marier ni avoir des enfants ».
 
Les professeurs n’étaient pas au courant que leurs élèves ressentaient une telle inquiétude.
 
Ce ne sont pas uniquement les 8 ou 10 km de rayon autour de la centrale qui sont concernés. Beaucoup de collégiens et lycéens ressentent la même chose dans la zone des 50 ou 100 km autour de la centrale. J’aimerais bien que vous pensiez toujours à ces jeunes.
 
 
 
21. On ne peut jamais être en sécurité si la centrale nucléaire ne disparaît pas.
 
Certainement, l’accident grave de Tchernobyl a aussi effrayé beaucoup de Japonais. Mais j’imagine que beaucoup de gens, surtout ceux qui habitent au loin, dans les grandes villes, ont peur de manquer d’électricité si on ferme les centrales nucléaires.
 
Mais c’est le résultat des propagandes qu’ils font en dépensant beaucoup d’argent. « Les centrales nucléaires, c’est une utilisation pacifique de l’énergie atomique », « Vous n’avez pas besoin d’avoir peur. Les accidents n’arriveront jamais dans les centrales nucléaires japonaises », « Le Japon manque de sources d’énergie. Les centrales nucléaires nous sont indispensables ». Ce sont des propagandes du gouvernement et des compagnies d’électricité. Et la réalité, comme l’accident de Monju, ils essayeront toujours de la cacher.
 
C’est bien vrai que les centrales nucléaires produisent de l’électricité. Mais j’ai constaté en travaillant 20 ans, avec mes yeux et même avec mon corps qu’elles fonctionnent toujours en irradiant les ouvriers. Et puis les gens qui habitent à côté souffrent, en se débattant entre ceux qui sont pour et contre avant l’installation, et en étant irradiés et discriminés après la construction.
 
Vous ne devez pas croire qu’un accident dans une centrale nucléaire ne provoque pas des terribles conséquences, ni qu’il n’y a pas de problème si jamais l’accident arrive, ni que c’est une utilisation pacifique !
 
Non, tout cela n’est pas vrai. Ce n’est pas pacifique s’il y a des ouvriers qui meurent à cause de l’irradiation, comme moi, et des gens qui souffrent à côté des centrales. En plus, il ne faut pas confondre la sûreté et la sécurité. S’il y a des centrales nucléaires, il n’y a plus rien de sûr.
 
En plus, même si le nucléaire produit de l’électricité en ce moment, l’entretien des déchets nucléaires pour des dizaines de milliers d’années demandera une énorme quantité d’électricité et de pétrole. C’est sûr que ça demandera plus d’énergie qu’on en a produit jusqu’à maintenant grâce au nucléaire. D’ailleurs, ce sont nos descendants qui seront obligés d’entretenir toutes les centrales fermées et leurs déchets.
 
Pour toutes ces raisons, je vous demande de regarder le visage de vos enfants et vos petits-enfants tous les matins, et réfléchir si le Japon peut continuer à construire des centrales nucléaires. Ce n’est pas uniquement le risque de l’accident, mais il y a aussi le risque du tremblement de terre. Le désastre irrémédiable va arriver si on continue ainsi. Je veux que vous sachiez cette réalité.
 
Je manifeste pour ne plus construire de centrales nucléaires. Je suis contre les nouvelles installations de centrales nucléaires avec conviction. Et je pense qu’il faut arrêter celles qui sont en fonctionnement.
 
Tant que les centrales nucléaires existeront, la tranquillité n’existera pas sur la Terre.
 
Laissons la Terre jolie pour nos enfants.
 
Norio HIRAI  
 
                                                                        
 
       
 
A propos de l’auteur, Norio HIRAI :
 
Décédé en 1997.
Spécialiste expert en pose de tuyauteries dans  les centrales nucléaires, consultant auprès du Conseil national de recherches sur les accidents nucléaires, représentant du Centre d’aide aux travailleurs nucléaires exposés aux radiations,  assistant spécial du juge dans le procès pour l’arrêt de la centrale de la Compagnie d’électricité Hotoriku Noto (actuellement centrale de Shika),
assistant spécial du juge dans le procès pour l’arrêt de la centrale de la Compagnie d’électricité  Tôhoku à Onagawa,
témoin à charge dans les poursuites pour l’arrêt du réacteur  n° 3 de la centrale de Fukushima 2.
Après sa disparition, il n’a pas eu de successeur au Centre d’aide aux travailleurs nucléaires exposés aux radiations, qui a dû fermer.
 
 
Lien concernant ce témoignage :
Cartus Béton livre une analyse très intéressante avec cet article
« Japon et nucléaire : l'accablant rapport Hirai sur la table »
 
 
Autres liens (pour les anglophones):
Témoignage de Norio HIRAI traduit en anglais
Commentaires sur le témoignage de Norio HIRAI
 
 
 
 
Témoignage d'un travailleur canadien du nucléaire : Marcel Jetté.
.
 

Interview de Norio Hirai en 1994

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 01:35

hirado-norio.jpgLe témoignage que j’ai choisi de diffuser aujourd’hui ne traite pas de l’accident de Fukushima, mais il doit être lu pour comprendre comment la catastrophe a pu arriver. Rédigé il y a 15 ans au Japon par Norio HIRAI, technicien chaudronnier travaillant pour la construction et l'entretien des centrales nucléaires, il ajoute un éclairage saisissant sur le fonctionnement du nucléaire au Japon. Homme de terrain, Norio HIRAI apporte son expertise, et ses craintes sont malheureusement devenues réalité. Puisse son témoignage posthume ‒ l'auteur est mort d’un cancer en 1997 ‒ arriver aux portes du pouvoir, afin que son manifeste atteigne un tant soit peu la conscience de ceux qui nous gouvernent.

 

Je suis conscient de la longueur de ce texte et du temps qu’il faut consacrer pour le lire complètement. C’est pourquoi, bien que je vous encourage à le lire entièrement, j’ai relevé quelques passages qui donnent le ton du témoignage de Norio et j’ai ajouté un sommaire numéroté pour accéder avec plus de facilité à tel ou tel paragraphe.

 

J’aimerais également exprimer ma reconnaissance à Tomomi DUFILS qui a réalisé la traduction du texte japonais en français en avril 2011, et à son mari Gabriel, ancien membre de la Gazette nucléaire, qui a permis sa diffusion sur internet (Ce témoignage a déjà été diffusé plusieurs fois sur le web et il faut encore encourager sa diffusion). Merci aussi à Janick qui a effectué la traduction du texte de présentation de l'auteur, placée à la suite du témoignage. Merci enfin à Florent, lecteur de ce blog, et Pascal, veilleur de Fukushima, de m'avoir transmis cette info.

 

 

Quelques passages et commentaires pour une lecture rapide :

 

« A la centrale de Fukushima de TEPCO, nous avons démarré la centrale en laissant un bout de fil de fer et on a échappé de peu à un grave accident qui aurait pu avoir une répercussion sur le monde entier. L’ouvrier savait qu’il avait fait tomber ce fil de fer mais il ne savait pas à quel point la conséquence de son acte était dangereuse. »

 

« Il n’y a pas beaucoup de poissons pêchés en bordure des îles nipponnes que l’on peut manger sans craindre le risque de la contamination radioactive. »

 

« Finalement, concernant la centrale de Fukushima, on a conclu que la démolition était irréalisable. Le fabricant américain qui a vendu cette centrale a envoyé des ouvriers au Japon, et il les a fait réparer le réacteur en les exposant à des quantités de radioactivité inimaginables par rapport à la norme japonaise. Aujourd’hui, cette centrale fonctionne toujours. Alors qu’on avait prévu de l’utiliser 10 ans, elle a déjà fonctionné plus de 30 ans. Au Japon, il y a 11 centrales que l’on exploite toujours malgré leur vieillissement, cela m’inquiète beaucoup. »

 

« J’ai peur que mes mots soient brutaux mais je n’arrive pas à m’empêcher de penser que ce pays est devenu fou. » [en 1996]

 

« Il y a environ 5 ans, j’ai été faire une conférence sur mon travail à Hokkaido. Quand j’ai dit « on va continuer à surveiller les déchets nucléaires pendant 50 ans ou 300 ans », une collégienne a levé sa main. Elle a crié « J’ai une question. En parlant de la surveillance des déchets qui dure 50 ou 300 ans, est ce que c’est vous qui allez le faire ? Non, ce n’est pas vous, les adultes d’aujourd’hui, c’est nous, la prochaine génération, et les générations qui suivent. Mais nous, nous n’avons pas envie de le faire ! » Est-ce que quelqu’un peut donner une réponse à cette fille ? »

 

« En plus, il ne faut pas confondre la sûreté et la sécurité. S’il y a des centrales nucléaires, il n’y a plus rien de sûr. »

 

Quand Norio a appris qu’il avait un cancer, il a décidé de mettre à jour tout ce qu’il connaissait des centrales nucléaires. Il nous explique entre autres que :

- On n’explique pas les dangers dus à la radioactivité aux ouvriers.

- Quand il y a un accident nucléaire, peu de personnes sont compétentes pour comprendre ce qu’il se passe.

- La surveillance des travaux n’est pas faite par des gens qualifiés.

- Les contrôleurs sont souvent des personnes qui ne connaissent rien à l’énergie nucléaire.

- Le service de l’inspection nucléaire est assuré par des retraités du ministère du commerce et de l’industrie.

 

 

 

Témoignage de Norio HIRAI,

technicien chaudronnier du nucléaire,

(rédigé en 1996)

source en japonais :

http://www.iam-t.jp/HIRAI/pageall.html#page2

source en français :

http://resosol.org/Gazette/important/Japon%202011/témoignage.rtf

 

SOMMAIRE

 

1. Je ne suis pas militant contre les centrales nucléaires

2. La sécurité, une perspective chimérique

3. Les centrales nucléaires construites par des gens sans qualification 

4. Les contrôles et les inspecteurs d’apparence

5. Le plan antisismique bâclé

6. Le contrôle régulier est fait également par les gens incompétents

7. Le déversement de radioactivité dans la mer

8. Le plus horrible, c’est l’irradiation interne (la contamination)

9. Rien à voir avec le chantier normal

10. Le lavage de cerveau « absolument sûr » qui dure 5 heures

 

11. Qui va sauver les ouvriers du nucléaire ?

12. L’accident de la centrale Mihama a été une mauvaise surprise

13. L’accident de Monju

14. Le plutonium japonais dans les armes nucléaires françaises ?

15. Le Japon qui n’ose pas interrompre le projet

16. On ne peut ni démonter, ni démolir

17. La surveillance et l’entretien après la fermeture

18. Les déchets nucléaires qu’on ne sait même pas traiter

19. L’irradiation et la discrimination affreuse des habitants

20. Puis-je avoir des enfants ?

21. On ne peut jamais être en sécurité si la centrale nucléaire ne disparaît pas.

 

 

1. Je ne suis pas militant contre les centrales nucléaires

J’ai travaillé pendant 20 ans dans des centrales nucléaires. Il y a toujours des polémiques sur les centrales nucléaires où les personnes disent qu’ils sont pour ou contre, ou alors que c’est dangereux ou pas.

Mais aujourd’hui, je veux simplement vous raconter ce qui se passe dans les centrales. Vous allez comprendre qu’il y a une grande différence entre la réalité et l’idée que vous en avez. Vous allez en même temps découvrir que les centrales nucléaires irradient (contaminent) tous les jours de plus en plus de personnes et sont à l’origine de discriminations.

Vous allez certainement découvrir des choses que vous n’avez jamais entendues. S’il vous plaît, lisez mes textes jusqu’à la fin et réfléchissez par vous-même. Quand on parle des centrales nucléaires, beaucoup de gens parlent du plan de construction. Mais personne ne parle des travaux effectués. Sans connaître le chantier, on ne peut pas savoir la réalité des centrales.

J’ai fait ma formation de tuyauteur dans les ensembles industriels et les grandes usines chimiques. J’ai été embauché pour construire (participer à la construction des) les centrales nucléaires à la fin de mes vingtièmes années, puis j’ai longtemps travaillé comme chef de chantier. Je connais presque tout sur les centrales nucléaires, plus qu’un simple employé ne pourrait jamais savoir.  

 

2. La sécurité, une perspective chimérique

L’année dernière, le 17 Janvier 1995, il y eut un grand tremblement de terre à Kobé. Et le peuple japonais a commencé à s’inquiéter si les tremblements de terre ne présentaient pas de danger pour les centrales nucléaires japonaises. Résisteront-elles vraiment contre tous les tremblements de terre ? Ce n’est pas du tout sûr. Le gouvernement et les compagnies d’électricité soulignent que les centrales sont bien conçues et construites sur des sols bien stables. Mais c’est une perspective chimérique. 

Le lendemain du séisme, je me suis rendu à Kobé. Les nombreuses relations entre les dégâts à Kobé et la problématique des centrales nucléaires m’ont dérouté. Jusqu’à ce jour, qui avait imaginé que les rails du Shinkansen et les poteaux de l’autoroute pourraient tomber?

En général, nous imaginons que les constructions des centrales nucléaires, du Shinkansen ou des autoroutes sont soumises à des contrôles rigoureux de l’administration. Mais à Kobé, nous avons découvert des coffrages laissés dans les poteaux en béton du Shinkansen. Les armatures de l’autoroute avaient été mal soudées: (elles avaient été collées par le métal de la soudure mais les bords de l’armature eux-mêmes n’avaient pas été fusionnés). Elles ont toutes été disloquées avec le séisme.

Pourquoi une telle chose s’est-elle produite ? Parce qu’on a accordé trop d’importance au plan, au bureau, mais on a négligé la surveillance sur le chantier. Si ce ne fut pas la cause directe, on peut dire que cette négligence a provoqué l’ampleur de la catastrophe.

 

3. Les centrales nucléaires construites par des gens sans qualification 

Comme pour les constructions de Kobé, il y a aussi trop d’erreurs humaines dans les centrales nucléaires. Par exemple, connecter des tuyaux en laissant des outils à l’intérieur. Il n’y a pas beaucoup d’ouvriers très compétents. Ils n’arrivent pas à suivre parfaitement un plan de construction bien conçu. Ce plan chimérique part de l’idée que ce sont des ouvriers experts qui le réalisent, mais nous ne nous sommes jamais posé des questions sur la qualité des ouvriers et leurs conditions de travail.

Pour les centrales nucléaires comme pour les autres chantiers, la main d’œuvre et même les inspecteurs sont constitués par des gens sans qualification suffisante. C’est compréhensible qu’un grave accident se produise dans les centrales nucléaires, les Shinkansen ou sur les autoroutes.

La conception du plan des centrales nucléaires est bien faite. Il y a de nombreuses mesures de protection et de secours de prises. S’il y a quelque chose qui fonctionne mal, ça s’arrête comme il faut. Mais ce n’est qu’au niveau du plan. Les travaux de construction mal faits fragilisent ce plan.

Par exemple, pour construire une maison, même si le plan est dessiné par un dessinateur de première qualité, si elle est construite par des charpentiers et des plâtriers qui ne sont pas compétents, on aura des fuites d’eau et des cloisons mal installées. Malheureusement cette maison ce sont les centrales nucléaires japonaises.

Avant, il y avait toujours un contremaître qu’on appelle « Boushin » pour superviser les travaux. Il avait encore plus d’expérience que le chef de chantier qui était moins âgé que lui. Le Boushin était fier de son travail et il considérait l’accident et la négligence comme une honte. Il savait bien sûr la dangerosité de l’accident.

Depuis environ 10 ans, il n’y a plus de manœuvres compétents. On ne demande aucune expérience au moment du recrutement. Les ouvriers sans compétence ne savent pas le danger de l’accident. Ils ne savent même pas quels sont les travaux non réglementaires et mal faits. C’est la réalité des centrales nucléaires japonaises.

Par exemple à la centrale de Fukushima de TEPCO, nous avons démarré la centrale en laissant un bout de fil de fer et on a échappé de peu à un grave accident qui aurait pu avoir une répercussion sur le monde entier. L’ouvrier savait qu’il avait fait tomber ce fil de fer mais il ne savait pas à quel point la conséquence de son acte était dangereuse. Dans ce sens, une centrale nucléaire toute neuve construite par ces gens incompétents est aussi bien dangereuse qu’une vieille centrale.    

Depuis qu’il n’y a plus beaucoup d’ouvriers compétents, on a standardisé la construction des centrales. Ça veut dire qu’ils ne regardent plus le plan mais ils montent simplement des pièces préfabriquées en usine, en assemblant la pièce numéro 1 avec la pièce numéro 2 comme dans jeu de dominos. Alors ils ne savent plus ce qu’ils sont en train de construire et à quel point ces travaux doivent être précis. C’est une des raisons pour lesquelles le nombre d’accidents et de pannes augmente dans les centrales nucléaires.

Dans la centrale nucléaire, il y a aussi le problème de l’irradiation qui empêche de former les successeurs. Quand on travaille dans la centrale nucléaire, il fait très sombre et chaud et avec la protection c’est impossible de parler. Alors les ouvriers se communiquent par gestes. Comment peuvent ils dans ces conditions transmettre leurs savoir faire? En plus, on envoie d’abord les gens compétents travailler et ils s’exposent très vite à la quantité de radioactivité annuelle autorisée et ne peuvent plus travailler, ça accentue encore l’incompétence des ouvriers.

Par exemple pour les soudeurs, ils fatiguent leurs yeux en travaillant. Après 30 ans, ils ne peuvent plus faire de travaux précis et ils ne trouvent plus d’embauche dans la pétrochimie. Et c’est comme ça qu’ils arrivent aux centrales nucléaires.

Vous avez peut-être une fausse image comme quoi les centrales nucléaires sont quelque chose de très sophistiqué. Mais ce n’est pas une construction aussi sûre qu’on l’imagine.

Je pense que vous avez bien compris pourquoi les centrales nucléaires sont construites par des gens incompétents et que ça ira de pire en pire.

 

4. Les contrôles et les inspecteurs d’apparence

Vous pensez peut-être que les contrôles rigoureux évitent des problèmes même si les ouvriers des chantiers ne sont pas assez compétents. Mais ces systèmes de contrôle sont encore problématiques. Pour les contrôles japonais, les inspecteurs viennent vérifier la construction déjà achevée. C’est la raison pour laquelle ça ne marche pas. Il faut venir regarder les travaux en cours, sur place.

Les inspecteurs doivent être spécialistes de la soudure s’ils sont les inspecteurs pour la soudure. Et ils doivent être capables de montrer le travail correct aux manœuvres, en disant: Non, il ne faut pas faire comme ça. Regardez comment je fais. S’ils ne savent pas comment faire les travaux, comment ils peuvent faire des contrôles corrects ? En l’état actuel, ils auditionnent l’entreprise qui a commandé la construction et celle qui l’effectue, et ils leur demandent de fournir les papiers nécessaires. Voilà le système de l’inspection aujourd’hui.

Il y a quelques années, on a eu des accidents dans les centrales nucléaires très souvent. Alors le gouvernement a décidé d’envoyer des conseillers de sécurité spécialisés dans chaque centrale nucléaire pour donner l’autorisation du démarrage après la construction ou du redémarrage après les contrôles réguliers. Je savais que ces conseillers ne connaissaient pas grande chose du nucléaire mais je n’imaginais pas à quel point.

Quand j’ai fait une conférence à Mito, il y a un homme du Ministère de la science et la technologie qui s’est présenté en public en disant: « Je me sens tellement mal à l’aise d’avouer ce fait, mais je ne connais rien du nucléaire », et il a continué: « De la peur d’être irradiés, les inspecteurs n’ont pas voulu travailler dans les centrales en marche. Comme on vient de supprimer des places dans le ministère de l’agriculture avec le remaniement gouvernemental, ils ont envoyé des fonctionnaires qui donnaient des conseils aux éleveurs du ver à soie ou de la sériole (poisson), sans aucune formation. Voilà pourquoi les conseillers qui n’y connaissent rien du tout, donnent l’autorisation du démarrage dans toutes les centrales. Le conseiller de la centrale de Mihama, contrôlait la qualité du riz jusqu’à il y a 3 mois».

Cet homme a raconté une telle histoire en donnant les noms de ces conseillers. Est-ce que vous pouvez avoir confiance en l’autorisation de démarrage accordée par tous ces gens qui n’y connaissent rien?

Quand il y a eu un grave accident dans la centrale de Fukushima de TEPCO qui a entraîné le démarrage du système de refroidissement de secours, le quotidien Yomiuri a publié un article « Le conseiller spécialisé n’a pas pu participer à l’équipe de la centrale ». Effectivement c’était le journal qui lui a appris la nouvelle de ce grave accident le lendemain matin. Pourquoi le conseiller n’était au courant de rien ? Parce que tous les gens de TEPCO savaient qu’il n’y connaissait rien du tout. Dans la pagaille totale, ils n’avaient pas le temps de lui expliquer de A jusqu’à Z. Donc l’équipe ne lui a même pas demandé de venir sur place.

Au-dessous de ces fonctionnaires irresponsables du ministère, dans la hiérarchie nucléaire, il y a le service de l’inspection nucléaire. Ce sont des gens du Ministère du Commerce et de l’Industrie qui ont pris leur retraite et sont embauchés dans ce service. Ils occupent des postes importants et enrichissent le service en demandant des contrats à des anciens subordonnés. Ils n’ont jamais travaillé dans ce domaine. Ils possèdent tous les pouvoirs sur l’inspection de la centrale nucléaire et on ne peut rien faire sans leur autorisation bien qu’ils n’y connaissent rien. Ils viennent au contrôle mais, bien sûr, ils ne font que regarder. Malheureusement, ils ont quand même un pouvoir colossal. Encore au-dessous de la hiérarchie, il y a les compagnies d’électricité et les trois fabricants de réacteurs nucléaires qui suivent: Hitachi, Toshiba et Mitsubishi. Moi, j’ai travaillé chez Hitachi. Après les fabricants, il y a encore des sous-traitants de la construction dont j’ai parlé tout à l’heure. Ca veut dire qu’au dessus des fabricants, ils ne sont pas compétents et au dessous des fabricants non plus, il n’y a pas beaucoup de gens compétents. C’est aussi pour cela que les compagnies d’électricité ne peuvent pas expliquer les détails au moment des accidents.  

Je disais toujours, avant et après ma retraite, qu’il faut que ce soient des organismes compétents et indépendants qui s’occupent de l’inspection mais non pas des entreprises nationalisées ou des services où les anciens fonctionnaires du ministère travaillent. Et indépendants de l’influence du Ministère du Commerce et de l’Industrie qui préconise l’installation des centrales nucléaires. Je disais qu’il fallait réclamer toujours des conseillers qui ont de l’expérience et des inspecteurs qui contrôlent et expliquent sur le chantier pour trouver des mauvaises soudures ou des travaux mal faits. Mais jusqu’à aujourd’hui, rien n’a changé. Vous voyez à quel point les centrales nucléaires japonaises sont administrées avec irresponsabilité et approximation!

 

5. Le plan antisismique bâclé

Après le grand séisme de Kobé, on a très vite vérifié le plan antisismique de toutes les centrales nucléaires du Japon. Le résultat absurde publié en septembre 1995 disait que toutes les centrales résisteront aux tremblements de terre de n’importe quel niveau. Au moins pour celles dont je me suis occupé pour mon travail, les premières centrales nucléaires, on n’avait pas prévu le grand tremblement de terre. C’est aberrant de confondre les nouvelles et les vieilles centrales pour leur résistance contre les tremblements de terre, en disant de n’importe quel niveau. En 1993 quand il y a eu le séisme de degré 4, la centrale numéro 1 d’Onagawa s’est arrêtée automatiquement suite à l’augmentation subite de la puissance. C’était un accident très grave. Très grave parce que la centrale qui a été construite en 1984 pour que ça s’arrête à un degré de sismicité 5 s’est arrêtée avant d’atteindre le niveau. C’est comme si le blocage du frein a arrêté la voiture subitement sur l’autoroute sans appuyer sur le frein. Tohoku EPC ne reconnaît pas la gravité de la chose en disant «tant mieux si ça s’est arrêté». Mais l’affaire n’est pas si simple. Si l’arrêt s’est effectué au degré 4 bien qu’il avait été conçu pour que ça s’arrête au degré 5, on ne peut pas nier la possibilité que ça ne s’arrête pas au degré 5. C’est un signe qu’il y a des choses qui ne fonctionnent pas comme prévu.    

La centrale de Fukushima s’est arrêtée également d’une façon imprévisible au moment du séisme en 1987. Au Japon, il y a 10 centrales qui sont du même modèle. C’est vraiment terrifiant quand on pense au danger que les tremblements de terre présentent vis-à-vis des centrales nucléaires.

 

6. Le contrôle régulier est fait également par les gens incompétents

On arrête à peu près tous les ans les réacteurs pour procéder au contrôle régulier. Dans le réacteur nucléaire, la pression de l’eau chaude et de la vapeur monte de 70 à 150 atmosphères, mais ce n’est pas une simple eau chaude car la température monte jusqu’à 300°C, elle circule très vite et use les tuyauteries. Au moment du contrôle régulier, on ne peut pas éviter la nécessité de changer des tuyaux et des soupapes qui sont des fois usés jusqu’à la moitié de leur épaisseur. Mais l’irradiation accompagne inéluctablement cette procédure.

Le démarrage du réacteur émet plein de radioactivité et de radiations. Les gens qui y travaillent subissent des radiations. Avant de se rendre auprès du réacteur, ils se déshabillent et se mettent en combinaison de protection. Peut-être vous imaginez que cette combinaison protège le corps de la radioactivité mais en réalité, ce n’est pas le cas. La preuve, on place le radiamètre, sous la combinaison, sur le gilet. La combinaison de protection est un simple vêtement de travail qui sert à ne pas emporter la radioactivité à l’extérieur mais il ne protège pas les manœuvres de l’irradiation. Donc après le travail, ils doivent se mettre en slip pour vérifier s’ils ne sont pas contaminés. Si la radioactivité reste uniquement sur la peau, c’est ce qu’on appelle la contamination externe, on peut l’enlever presque entièrement avec la douche. Ils se lavent minutieusement jusqu’à ce qu’ils ne soient plus radioactifs avant de sortir dehors.     

Les manœuvres mettent aussi des chaussures qui ont été préparées par l’entreprise mais on n’est pas sûr de trouver la bonne taille. Alors, leurs pas sont mal assurés. En plus ils doivent mettre un masque qui couvre la tête. Ils travaillent avec ces combinaisons et l’angoisse de la radioactivité. Pratiquement, personne ne peut faire de bon travail avec cet équipement. C’est complètement différent d’un chantier normal.

En plus, plus que 95% des personnes qui s’occupent de ce travail n’ont aucune expérience. Ce sont des agriculteurs et des pêcheurs désœuvrés en dehors de la saison. Ces gens qui n’ont pas d’expérience, travaillent sans savoir le danger que ça représente.

Par exemple, pour serrer une cheville avec un écrou, on dit au manœuvre «serrez la en diagonale, sinon ça fuit». L’opération se déroule dans une zone de radiations contrôlée, un endroit très dangereux plein de rayonnements. Les manœuvres amènent le radiamètre. Mais comme la quantité de radiations varie d’une pièce à l’autre, la durée du temps acceptable en minutes change chaque fois.

Avant de rentrer au chantier, on explique aux ouvriers le travail d’aujourd’hui et la durée de ce travail décidée en fonction de la quantité autorisée journalière d’irradiation. S’ils vont travailler au chantier où on peut rester 20 minutes, on leur donne une minuterie qui sonne au bout de 20 minutes en disant «Vous devez sortir quand ça sonne». Mais ils ne sont pas munis d’une montre car elle serait polluée par la radioactivité. Ils doivent donc deviner le temps restant. C’est comme ça qu’on les envoie au travail.   

Là-bas, ils n’arrivent pas à se concentrer pour serrer la cheville car ils se demandent toujours combien de temps est déjà passé. Est ce que c’est 10 minutes? Ou peut-être déjà 15 minutes? Ils ont très peur de l’alarme de la minuterie, cela les fait plus que sursauter. Le bruit de l’alarme est assez fort pour rendre tout pâle quelqu’un qui ne l’a pas jamais entendue. Quand ça sonne, ils ont déjà reçu une irradiation équivalente à des dizaines de radiographies. C’est bien normal qu’ils ne puissent pas fournir des prestations assez correctes comme tout simplement serrer des chevilles en diagonale. Pouvez-vous imaginer les conséquences?

 

7. Le déversement de radioactivité dans la mer

Le contrôle régulier se fait souvent en hiver. Mais à la fin du contrôle, on verse dans la mer des tonnes d’eau contaminée par la radioactivité. Honnêtement, il n’y a pas beaucoup de poissons pêchés en bordure des îles nipponnes que l’on peut manger sans craindre le risque de la contamination radioactive. La mer du Japon est déjà contaminée par la radioactivité.

Ce n’est pas uniquement au moment du contrôle régulier que l’on effectue le rejet d’eau irradiée dans la mer. Pour baisser la température que la centrale dégage, au Japon, on utilise l’eau de la mer. Elle devient de l’eau chaude qui contient de la radioactivité. Ainsi on rejette des tonnes d’eau par minute à la mer. 

Même s’il y a des accidents dans les centrales nucléaires, les états déclarent immédiatement qu’il y n’a aucun problème. D’ailleurs, les compagnies d’électricité essayent de les cacher. Avec la population japonaise très peu sensible à ce sujet, la mer du Japon se pollue sans cesse. On lave d’abord les vêtements de protection couverts de radioactivité à l’eau. On la déverse également dans la mer. La quantité de la radiation mesurée à l’orifice d’évacuation est très élevée. Savez-vous que des sites d’élevage de poisson se trouvent à proximité? Ainsi, les gens qui cherchent la nourriture de bonne qualité doivent être intéressés par la sûreté des centrales nucléaires. Si on n’agit pas tout de suite, on ne pourra plus trouver de poissons qui ne sont pas contaminés. 

Il y a quelques années, à l’exposé du procès qui demandait l’arrêt de la centrale de Shiga dans la préfecture d’Ishikawa, une vieille colporteuse de 80 années toute déconcertée, a raconté cette histoire. « Je ne connaissais rien de la centrale nucléaire jusqu’à maintenant. Mais aujourd’hui, une jeune dame qui était toujours fidèle a refusé mes algues. Elle m’a dit « Je suis désolée mais je ne peux plus acheter vos algues ». La centrale de Shiga a démarré aujourd’hui. Je ne connaissais rien au nucléaire, mais maintenant je sais ce que c’est. Qu’est ce que je vais devenir alors? » Même aujourd’hui, on continue de polluer la mer du Japon sans que vous le sachiez.

 

8. Le plus horrible, c’est l’irradiation interne (la contamination)

Dans le bâtiment de la centrale, tout devient radioactif et émet des radiations. Parce que les radiations peuvent traverser même une paroi de fer d’une grande épaisseur. Les radioéléments qu’on reçoit sur la peau, la contamination externe c’est horrible, mais le pire c’est la contamination interne.

Par exemple, la poussière. Une simple poussière qui se trouve n’importe où devient radioactive dans une centrale nucléaire à cause de la radioactivité qu’elle reçoit. Le fait d’inspirer cette poussière radioactive par le nez ou la bouche, c’est de la contamination interne. En faisant le nettoyage dans la centrale, on est exposé le plus, au danger de la contamination interne. Avec cette contamination interne on reçoit les radiations de l’intérieur du corps c’est beaucoup plus dangereux que l’irradiation externe, car le corps est en contact direct avec la source des radiations.

Les radioéléments sont évacués du corps au bout de environ 3 jours par la voie transpiratoire et urinaire. Mais pendant ces 3 jours, ils restent dans le corps. En plus, quand on parle d’élimination, c’est un langage humain, il en reste toujours un peu, et ça c’est très dangereux. Même si ce sont des petites quantités à la fois, elles s’accumulent dans le corps.

Vous devez le savoir, si vous avez déjà visité une centrale nucléaire, c’est très bien nettoyé où il y a des accès au public. Peut-être le guide vous a même vanté « regardez, comme c’est propre ». Mais c’est bien normal. Ça serait dangereux s’il y avait de la poussière radioactive dans l’air.

Moi, j’ai développé un cancer à cause de la contamination interne que j’ai reçu plus que cent fois. Quand le docteur m’a diagnostiqué un cancer, j’avais très peur. Mais je me suis rappelé ce que ma mère disait toujours « rien est plus grand que la mort ». Ca m’a donné envie de faire quelque chose. Alors, j’ai décidé de mettre au jour tout ce que je connais des centrales nucléaires.

 

9. Rien à voir avec le chantier normal

La radioactivité s’accumule. Même si ce sont des petites quantités, si vous travaillez 10 ans dans une centrale, vous accumulez la radioactivité de 10 ans et c’est très dangereux. Le règlement pris par le gouvernement exige de ne pas dépasser la limite de 50 millisiverts (mSv) par an. Cela veut dire que l’on peut tout faire si on respecte cette limitation.

Par exemple, les travaux au moment du contrôle régulier demandent environ 3 mois. Donc on divise la limite de 50 mSv par cette durée des travaux pour avoir la limite autorisée journalière. Mais, dans un endroit où il y a beaucoup de radiations, on ne peut travailler que 5 à 7 minutes par jour. On ne peut pas faire grand chose avec si peu de temps. Alors on rassemble les temps de travail sur 3 jours ou une semaine afin de travailler 10 ou 20 minutes de suite, bien que ce soit une méthode inadmissible. Au moins, si les ouvriers savaient qu’il y a un grand risque de leucémie ou du cancer… Mais les compagnies d’électricité n’avertissent d’aucun de ces risques.

Une fois, une grande vis qui se trouvait sur le réacteur s’est desserrée quand la centrale nucléaire était en plein fonctionnement. Comme la centrale émet une colossale quantité de radioactivité en état de marche, on a préparé 30 personnes pour serrer une seule vis. Ils ont fait la queue devant la porte. Ils devaient courir jusqu’à la vis qui se situait à environ 7 mètres de là. Après 3 secondes, l’alarme sonnait. Il y eu même des ouvriers qui ont passé tout leur temps ouvrable en cherchant la clé. Finalement, ça a coûté 4 millions de yens, l’équivalent de salaire de 160 personnes, pour faire uniquement quelques tours de vis. 

Vous vous demandez peut-être pourquoi on n’a pas arrêté la centrale pour serrer la vis. Mais la compagnie d’électricité veut l’éviter autant que possible car l’arrêt d’une journée de la centrale lui cause des milliards de perte. La radioactivité est quelque chose de très dangereux, mais pour l’entreprise, l’intérêt financier passe avant la sécurité humaine.

 

10. Le lavage de cerveau « absolument sûr » qui dure 5 heures

Les gens qui travaillent où il y a de la radioactivité s’appellent les ouvriers nucléaires. Au Japon, 270 000 personnes ont déjà travaillé comme ouvriers nucléaires, dont la plupart dans les centrales nucléaires. Ainsi, 90 000 personnes y travaillent aujourd’hui. Tous ces gens assurent le fonctionnement des centrales nucléaires, comme le contrôle régulier qui a le lieu une fois par an, en subissant de la radioactivité.

Avant de commencer à travailler dans les centrales nucléaires, on donne aux ouvriers 5 heures de cours de formation sur la sécurité face aux radiations. Le but de ces cours est tout d’abord d’atténuer leur angoisse. On ne leur dit jamais qu’il y a des dangers. L’Etat surveille la quantité de la radioactivité et donc il n’y a pas de danger, « les anti-nucléaires parlent du risque de cancer et de la leucémie à cause de la radioactivité mais ce sont que des gros mensonges, si on respecte bien les normes imposées par le gouvernement il n’y a aucun problème ». Un tel lavage de cerveau dure 5 heures.

Les compagnies d’électricité procèdent à ce lavage de cerveau également avec les gens qui habitent à côté des centrales. Elles font venir les personnes connues pour faire des conférences, elles donnent des cours de cuisine, ou insèrent des encarts publicitaires imprimés en couleur dans les journaux. Peut-être les accidents dans les centrales angoissent les habitants, mais grâce à toutes ces propagandes de l’Agence de sécurité nucléaire, ils ne peuvent pas penser autrement que «nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire pour avoir suffisamment d’électricité».

Moi-même, pendant presque 20 ans en tant que responsable de terrain, j’ai procédé au lavage des cerveaux, une plus grande manipulation mentale que celles d’Asahara et d’Oume, vis à vis des ouvriers. Je ne sais pas combien de personnes j’ai tué. Il y a des gens qui me demandent si les ouvriers ne sont pas inquiets. Mais comme ils ne sont pas avertis des dangers de la radioactivité ou de la contamination, la plupart ne sont pas inquiets. Ils ne pensent même pas que c’est à cause de leur travail dans les centrales, quand ils tombent malades. Tous les ouvriers sont irradiés quotidiennement. Le travail des responsables consiste de cacher cette réalité à ceux-ci et à l’extérieur de la centrale. Si les ouvriers ou même n’importe qui s’inquiète du problème de l’irradiation, vous n’êtes pas digne d’être responsable sur place. Ainsi, sont les conditions de travail dans les centrales nucléaires.

J’ai exercé un tel travail longtemps. Il m’arrivait souvent que je ne pouvais plus le supporter sans aide de l’alcool et j’en buvais de plus en plus. Ainsi, je me posais souvent des questions. Pourquoi, et pour qui, il faut vivre des jours plein de mensonges? Au bout de 20 ans, je me suis aperçu que mon corps lui même était déjà gravement détruit par les radiations.

 

 

Suite du témoignage

(paragraphes 11 à 21)

 

Conférence de Norio Hirai en 1996

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30 juillet 2011 6 30 /07 /juillet /2011 00:28
- Tepco a édité cette vidéo de la visite du bâtiment du réacteur n°2 de la centrale de Fukushima Daiichi, le 8 juillet 2011, à l’aide du robot Quince. Cryptome l’a diffusé sur youtube.

 
 
 source originale à télécharger :
 
Dans le même temps, Tepco a donné le plan du bâtiment de l’unité 2, pour les niveaux 1, 2 et 3 :
 
plan reacteur2
 
 
source :
 
 
- Le 26 juillet, c’est au tour du bâtiment 3 de recevoir la visite du robot Quince, puis de 11 employés le 27.

 
 
source originale à télécharger :

 

 

Du coup, on obtient également le plan du bâtiment 3 (niveaux 1 et 2), grâce à un document au format pdf. fourni par Tepco :

 

tepco-plan-reacteur3a.jpg
 
tepco-plan-reacteur3b.jpg.
 

Les photos suivantes sont tirées de la vidéo (dernière photo : impossible de monter plus haut, trop de dégats)

 tepco-video-reacteur3.jpg
 
tepco-video-reacteur3b.jpg
 
tepco-video-reacteur3c.jpg
 
tepco-video-reacteur3d.jpg
 
tepco-video-reacteur3e.jpg.
photos Tepco meilleure définition :
 
Dans ce bâtiment, on a mesuré 280 mSv/h comme indiqué sur ce document :
 
reacteur3-mesure-radioactivite.jpg
 
source :
 
 
- Enfin, retour sur la visite des experts de l’AIEA à Fukushima du 22 mai au 2 juin 2011.
Une série de photos à découvrir, tirées du site de l’AIEA
 
aiea-juin-2011.jpg
 
 
Lien vers les autres photos ici
 
aiea2.jpg
 
 
 
 
____________________________
 
Dans la série « Voir Fukushima », voir aussi dans ce blog :
 
Shéma : plan du niveau technique de l’unité 4
Photos : piscine de l’unité 4
Album : photos prises par un liquidateur
Vidéo : reportage sur Fukushima et Tchernobyl
 
Photos : les systèmes de décontamination de l’eau
Schéma : fuite du corium dans le sol
 
Photo et vidéo : porte du bâtiment de l’unité 2
Schéma : projet de digue de 33 m de hauteur
 
Vidéo : visite de la centrale par les experts de l’AIEA
 
Photos : réacteur 4
Webcam Tepco : enregistrements sur youtube
Vidéo : vague du 11 mars sur la centrale
 
Vidéo : environnement de la centrale et zooms sur réacteurs 1 et 4
 
Photos : arrivée de la vague sur la centrale de Fukushilma Daiichi
Webcam de la centrale par Tepco
 
Vidéo : Shigeru Aoyama Clear, conseiller technique en énergie nucléaire, visite la centrale de Fukushima Daiichi
 
Photos : album de 70 photos de la centrale de Fukushima Daiichi
 
Vidéo : piscines de stockage de combustible usé des réacteurs 3 et 4
Vidéo : visite de l’unité 1 par des robots
 
Vidéo : images de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi
 
Photos : tous les clichés fournis par Tepco
Vidéo : zone interdite
 
Webcam de la centrale par Weather Online
 
Vidéos : survol des réacteurs avec des drones
Vidéos : des robots filment au sol
 
Photos : les 15 séries de photos de Cryptome
 
Photo satellite : visite de la centrale avec Google Earth
 
 
 

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27 juillet 2011 3 27 /07 /juillet /2011 01:18

 
 
La  population de Fukushima, abandonnée par les autorités politiques, vit des heures terribles. Il n’est pas besoin de commenter cette vidéo, les images et les paroles en disent assez pour savoir ce que ces Japonais endurent aujourd’hui, en 2011, suite à un accident nucléaire. Il faudrait être un doux rêveur pour imaginer que cela puisse se passer autrement en France dans la même situation de contamination radioactive généralisée d’un territoire. Comme cet homme que l’on voit à la fin du reportage, je me demande si les pronucléaires ont des enfants…
 
 
 
Cette vidéo suscite l’émoi sur le net, comme en témoignent par exemple les articles de Bigorneau ou Cécile Monnier, dont vous trouverez les liens ci-dessous.
 
 
 
Vivant à Tokyo, je dénonce ce gouvernement irresponsable
par Bigorneau
26 juillet 2011, Rue89
Plus de quatre mois après le séisme de magnitude 9 et l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima, la situation n'est pas maîtrisée, et elle apparaît même bien pire que prévu (certains experts l'annoncent pire que Tchernobyl). Je vis à Tokyo, depuis près d'un an, et la gestion de la catastrophe par le gouvernement japonais me révolte. Mais, comme la majorité des Japonais que je connais, je ne dis rien, parce que ça fait trop peur de penser à ça tous les jours. C'est plus simple quand on ne sait pas. Cependant, un soir, j'ai vu cette vidéo. Je suis écœurée, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
(…)
 
A Fukushima, le gouvernement japonais assassine sa population…
Une vidéo mise en ligne par la population de Fukushima jette un pavé dans la marre. Alors que la contamination radioactive n’a jamais cessé, le gouvernement refuse d’aider les parents à mettre leurs enfants à l’abri. Pire encore, les mesures prises pour contrôler l’information et préserver la ligne officielle visent à contraindre les habitants à rester chez eux. Un comportement délibéré qui pourrait bien être caractérisé de crime…
(…)
 
 
 
(1) Merci à Hervé, du groupe Fukushima informations pour la traduction française, et à TheGuillaumes pour avoir inséré le sous-titrage en français dans la vidéo. Pour avoir le texte complet des dialogues, se reporter au bas de cette page.
 
 
----------------------------------------------
 
Pour s’informer sur les dernières actualités concernant la catastrophe de Fukushima et ses conséquences, voici une sélection de quelques articles intéressants parus ces dernières semaines. Désormais, vous pourrez retrouver cette page actualisée d’articles référencés dans le menu « archives » du blog de Fukushima.
 
Fukushima: quelle est la situation de la centrale?
par Cécile Dumas
4 mois et demi après l’accident, provoqué par le séisme et le tsunami du 11 mars, que se passe-t-il à la centrale de Fukushima-Daiichi ? Le point sur une situation toujours très critique.
(…)
 
Le METI avait prévu le pire : le Melt-through
par Trifouillac
23 juillet 2011, Gen4
Le Ministère de l'Industrie Japonais avait prévu le type d'accident rencontré à Fukushima : La perte des systèmes de refroidissement, la création du corium et le percement des 2 cuves par ce dernier. Le réacteur concerné est un GE Mk1 similaire à l'unité 1 de Fukushima Daiichi.
(…)
 
Kotoé a vécu Fukushima comme un tremblement intérieur
entretien avec Kotoé Makino, artiste et danseuse japonaise.
22 juillet 2011, Ouest-France
Née à Tokyo, cette Japonaise de 34 ans est arrivée en Bretagne il y a trois ans et s'est établie à Peumerit-Quintin depuis un an. Cinq mois après la catastrophe de Fukushima, elle raconte comment elle a vécu, à distance, ces événements.
(…)
 
Pendant les travaux, la contamination continue
par François Leclerc, économiste
21 juillet 2011, blog de Paul Jorion
Le typhon Ma-On, qui menaçait la centrale sinistrée de Fukushima, l’a finalement épargnée pour aller se perdre dans l’océan. Comme lors de l’épisode précédent, des mesures de fortune avaient été prises par Tepco, l’opérateur, n’empêchant pas le niveau de l’eau contaminée de dangereusement monter dans les sous-sols en raison des pluies diluviennes.
(…)
 
La ruine et le désespoir des éleveurs de Fukushima
nouvelle AFP
20 juillet 2011, Le Point
"De nombreuses vaches sont mortes après l'accident nucléaire car les éleveurs n'ont pu les nourrir. Maintenant, c'est à notre tour de mourir de faim." Le paysan Masami Yoshizawa est désespéré par l'interdiction du boeuf de Fukushima, qui le prive de son gagne-pain. Comme les autres éleveurs de cette préfecture du nord-est du Japon, Yoshizawa a vu sa vie basculer le 11 mars à cause de l'accident à la centrale nucléaire Fukushima Daiichi, inondée par un tsunami géant consécutif à un séisme sans précédent.
 
Le plongeon de l’uranium n’aura pas lieu
par Camille-Yihua Chen
19 juillet 2011, L’édito matières premières and Co
La peur du nucléaire couvait sous la braise ; la catastrophe de Fukushima l’a ravivée.
Au milieu d’un concert de protestations contre l’atome civil, l’uranium — minerai indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires — a vu son élan haussier se briser net. De 61,35 $ la livre le 24 mars, le cours du yellowcake (poudre d’uranium) est retombé le 24 juin à 54,25 $ la livre. Une chute de plus 13% en trois mois.
(…)
 
 
Japon: nouvelle crise autour du bœuf contaminé par la radioactivité
par Cécile Dumas
19 juillet 2011, Sciences et Avenir
Plusieurs centaines de têtes de bétail contaminées par la consommation de fourrage radioactif ont été vendues au Japon. Une crise dont l'ampleur s'accroît de jour en jour. Au Japon, le nombre de têtes de bétail commercialisées contaminées par du césium se monte à 578 entre la fin mars et le début juillet, selon les informations de la chaîne japonaise NHK. Après les légumes, le lait, le thé, les produits de la mer et les champignons shiitaké, c’est au tour du bœuf d’alimenter les craintes sanitaires des Japonais suite à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi.
(…)
 
 
Après Fukushima : une extension massive de l'industrie nucléaire mondiale se prépare
par William Whitlow
16 juillet 2011, World Socialist Web Site
Un rapport de l'Economist Intelligence Unit [le service de recherche et d'analyses du journal The Economist, ndt] prédit une croissance massive sur toute la planète de la production d'énergie nucléaire au cours de la décennie à venir. La prise en compte du désastre de Fukushima, considéré maintenant comme le pire accident industriel de l'histoire, devrait être minime.
(…)
 
Enfin l’ère postnucléaire
par Ulrick Beck, sociologue, philosophe
(traduction : Olivier Mannoni)
9 juillet 2011, Le Monde
Ce qui suit présente certaines des recommandations d'experts ayant servi de base à la politique d'Angela Merkel, qui prévoit la mise en place d'alternatives au nucléaire d'ici à 2021. L'Allemagne pourrait montrer qu'une sortie de l'énergie nucléaire est une opportunité de créer une économie de pointe.
(…)
 
 
-------------------------------------------
 
Traduction française de la vidéo:
« Les autorités japonaises face à la colère des habitants de Fukushima »
Le 19 Juillet à Korahi, ville de Fukushima, les gens face à Akira Sato, directeur du Département des urgences nucléaires locales :

Ne pensez-vous pas que les gens de Fukushima, comme les autres gens, ont le droit de s'échapper pour ne pas être exposés à la radioactivité ?

A.S. Le gouvernement essaye de réduire le taux d'exposition autant que possible.

Vous ne répondez pas à sa question!
Comme cela, vous dites qu'ils n'auraient pas ce droit? Ils ont bien ce droit, n'est-ce pas?

A.S. Je ne sais pas s’ils ont ce droit.

Quoi? Alors vous aussi vous n'en avez pas le droit !
Alors vous aussi, vous-même vous pensez que vous n'avez pas le droit de vivre une vie en bonne santé ?
Réponds-moi !
Vous pensez que les gens de Fukushima n'ont pas des Droits de l'Homme ?
Vous voulez dire qu'il existe une différence de standard d'exposition à la radioactivité pour la préfecture de Fukushima et pour les autres préfectures ?

A.S. Ce que je dis c'est que le gouvernement a essayé de réduire autant que possible le taux d'exposition.

Vous n'avez pas répondu à sa question !
Le gouvernement applique un standard différent pour les gens de Fukushima, c'est ça ?

A.S. J'ai déjà dit tout ce que je peux dire.

Quoi ?
Il y a des gens à Fukushima qui veulent évacuer. Prenez la responsabilité de les évacuer s'il vous plait.
Veuillez nous donner une réponse, un commentaire de votre part.
S'il vous plait répondez !
Assez de temps de réflexion, répondez-nous!

A.S. Bien, vous êtes libres d'évacuer à vos propres risques.
Si les gens vivent dans un endroit en toute sécurité, le gouvernement leur demande de
rester.

C'est maintenant un cas d'urgence, n'est-ce-pas?
La ville de Fukushima est sans danger?
Même dans le bloc communiste le gouvernement russe a évacué rapidement la population du Belarus pendant l'accident de Tchernobyl !
Pourquoi sur la terre, le Japon, une nation libre, ne peut-il pas faire la même chose pour nous?
Même l'Union Soviétique l'a fait pour leur peuple !
L'Union Soviétique a évacué 240 000 enfants en deux semaines !
Qu'est-que le gouvernement a foutu pendant les derniers quatre mois ?
Vous devriez avoir honte !
Qu'est-ce que vous venez en fait faire ici ?
Vous voulons  que vous fassiez examiner l'urine de nos enfants très rapidement !
Et nous voudrions que vous nous informiez plus tard qui fera ces analyses et comment elles seront réalisées.
S'il vous plait, emportez cette urine avec vous.

Akira Sato et les autres officiels se lèvent, sortent précipitamment comme s'enfuyant...

– Ils sont terrribles...
C'est si absurde...
Testez cette urine !
Qu'est-ce que vous pensez que vous faites?
Testez cette urine!
Pourquoi refusez-vous?
Qu'est-ce que vous pensez que vous êtes en train de faire?
S'il vous plait, ne vous enfuyez pas!
S'il vous plait emportez cette urine avec vous!

A.S. Ce n’est pas notre travail.

Nous voudrions que vous l'ameniez au gouvernement central !

A.S. Ce n'est pas du tout notre travail.

Qu'est-ce que vous voulez dire par cela ?
Vous ne pensez pas que vous devriez emporter cette urine avec vous ?
Ils l'ont apportée pour vous aujourd'hui comme ils l'avaient promis !
Ils l'ont apportée pour vous aujourd'hui !
Pourquoi ?
Vous aviez dit auparavant que s’ils vous apportaient les urines vous les feriez analyser ! Vous n'avez pas dit cela ?
S'il vous plait emportez ces urines avec vous !
Arrêtez !
S'il vous plait ne vous enfuyez pas !
Vous ne devriez pas vous enfuir ainsi !
S'il vous plait communiquez avec nous ainsi que les gens peuvent le faire!
Qu'est-ce que vous pensez que vous faites ?
Vous pensez que les bureaucrates à Tokyo sont plus importants que les gens à Fukushima ?
Je vous en supplie, s'il vous plait !

A.S. Nous ne pouvons pas en décider.

Pourquoi cela ?
Vous n'avez pas d'enfants ?
 
 
 
Même vidéo mise en ligne par Kna, avec un sous-titrage uniquement en français :
 

 

-------------------------

 

Mise à jour du mercredi 17 août 2011

 

A la suite de la diffusion par Liberation.fr d'une vidéo sur une réunion d'habitants de Fukushima, l'ambassade du Japon a souhaité apporter des précisions concernant l'action du gouvernement japonais sur place.

 

source : http://www.liberation.fr/c/01012354630-c

 

« Monsieur le Rédacteur en chef

Après la lecture de l’article et le visionnage de la vidéo (http://www.liberation.fr/terre/06013968-a-fukushima-les-habitants-veulent-des-reponses) que vous avez publiés sur votre site internet en date du 27 juillet 2011 sous le titre « A Fukushima, les habitants veulent des réponses », il m’a semblé que ces derniers pouvaient induire vos lecteurs en erreur sur les mesures prises par les autorités japonaises pour rétablir la situation. Permettez-moi donc d’apporter des précisions quant à la situation actuelle au Japon.

Il est évident que le public doit être informé de la situation dans les zones sinistrées par différentes sources. Mais il est tout aussi essentiel d’appréhender correctement les actions menées sur place afin d’éviter tout risque de malentendu. C’est pourquoi je souhaiterais que cette lettre puisse être publiée sur votre site internet.

Le gouvernement japonais consacre actuellement tous ses efforts pour venir en aide aux populations réfugiées du département de Fukushima, pour les prévenir des risques possibles d’irradiation et pour veiller à leur bonne santé. Nous sommes loin de la situation décrite dans la vidéo sous-titrée en anglais intitulée «Japanese government killing its own people in Fukushima» que vous présentez sur votre site.

En outre, cette même vidéo montre des habitants demandant aux autorités locales que les zones où ils résident soient comprises dans les zones d’évacuation. Concernant l’établissement des zones d’évacuation, la situation sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi n’étant pas complètement rétablie, les autorités japonaises continuent à l’heure où nous parlons de désigner des zones d’évacuation planifiée et préparée en adoptant les normes formulées par l’ICPR (CIPR) pour la protection des populations en cas de situations d’urgence nucléaire.

Le gouvernement appelle également les gens résidant hors des zones d’exclusion à évacuer volontairement leurs logements s’ils estiment ce choix préférable. Ces personnes bénéficient de toutes les aides fournies par l’État, comme l’attribution de logements temporaires (y compris des locations privées) tel que fixée par la Loi de Secours en cas de Catastrophes naturelles (« Disaster Relief Act »).

D’autre part, on peut également voir sur cette vidéo un représentant officiel refuser la demande de personnes présentes de tester des échantillons d’urine de leurs enfants. Permettez-moi tout d’abord de préciser que l’officiel présent était un responsable du bureau local de gestion des situations d’urgence nucléaire et que son refus était dicté par l’impossibilité physique d’effectuer directement sur place les tests demandés.

Je souhaiterais également insister sur le fait que les autorités du département de Fukushima ont mis en place une campagne de contrôle médical auprès de l’ensemble des personnes résidant dans la préfecture de Fukushima depuis le 11 mars 2011, afin de dissiper leur crainte, garantir leur bonne santé et préserver leur confiance. En fonction des résultats obtenus lors de l’examen médical de base comprenant un questionnaire médical, des tests d’urine et des analyses plus poussées seront effectués sur les habitants en présentant la nécessité.

Enfin, concernant la vidéo que vous présentez dans votre article comme étant disponible sur le site «Time Out Tokyo» et montrant une mère critiquant l’environnement à risques dans lequel évolue ses enfants, les mesures du niveau d’exposition aux radiations des enfants et des femmes enceintes feront partie intégrante des examens effectués durant les campagnes de contrôle citées précédemment. Des études préliminaires sont d’ailleurs d’ores et déjà menées dans certaines zones. En outre, les membres du gouvernement prennent des mesures destinées à réduire les taux de radiations dans les espaces de vie enfantine. Plus concrètement, le gouvernement apporte son soutien financier aux mesures anti-radiation prises par les responsables dans les cours des écoles affichant des taux de radiation ambiante supérieurs à 1 mSv/h, ainsi que par les collectivités locales dans les parcs et le long des chemins d’écoles.

Malgré tout, le gouvernement japonais fait aujourd’hui son possible pour aider les populations sinistrées, les prémunir des risques d’exposition aux radiations et veiller à leur bon état de santé. Nous espérons pouvoir compter sur votre collaboration pour en informer vos lecteurs.

Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur en chef, mes salutations distinguées. 

Fumio SHIMIZU

Directeur du Service Culturel et d’Information de l'ambassade du Japon à Paris »

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 20:55
maire-minamisoma.jpgOn se souvient encore du SOS lancé sur YouTube en mars dernier par Katsunobu Sakurai, maire de la ville de Minamisoma (70 000 habitants avant l’accident), qui lui a valu une notoriété mondiale. Dominique Leglu en avait fait l’écho dans son blog en relevant cette phrase : « Même les gens qui veulent nous aider et les médias ont peur de venir dans notre ville qui se trouve à 25 km de la centrale nucléaire de Fukushima ». Le réalisateur de la vidéo, Kenichiro Nakata, cité par l’agence Kyodo news dans une dépêche du 1er avril, avait expliqué à l’époque que les résidents victimes du désastre ne savaient même pas s’ils devaient rester ou évacuer.
 
Quatre mois plus tard, la contamination de la ville est avérée, mais suite à l’annonce du gouvernement de la reprise en main de la centrale nucléaire, le maire demande à ses concitoyens évacués de revenir dans la ville. Un membre du conseil municipal, Koichi Ohyama, n’est pas du tout de cet avis. Et pour se faire entendre, il utilise le même canal d’information que son maire, YouTube, pour dénoncer le manque cruel d’information sur la contamination réelle de la localité. Il s’oppose en fait au retour des personnes évacuées tant que toutes les mesures n’auront pas été prises pour mettre la population hors de danger, en particulier les enfants. « Les gens perdent l'habitude de se protéger contre la contamination », prévient Koichi Ohyama. C’est effectivement très dangereux. La radioactivité est invisible mais elle va rester dangereuse durant des dizaines d’années. Les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl sont confrontés aux mêmes problèmes : les gens reviennent.
 
Il est évident que cet homme a raison de protester contre le retour de la population évacuée, car c’est la condamner à la maladie future. Le cas de Minamisoma ne va pas être un cas isolé malheureusement. La pression économique va conduire à de fortes tensions dans la population entre ceux qui sont pour un retour rapide à une vie normale, quitte à « oublier » la radioactivité, et ceux qui ne conçoivent pas la vie sans une information transparente et une prise de précaution maximum, jusqu’à une évacuation définitive le cas échéant.
 
Au-delà du drame de cet homme et de cette ville, c’est le problème de l’exode définitif d’une partie de la population japonaise qui va se poser. Ceux qui connaissent les dangers réels de la radioactivité, ceux qui sont bien informés, ceux qui ont les moyens de partir : tous ces gens sont déjà partis ou sont en train de se préparer à partir. Si Koichi Ohyama estime qu’il y a trop de danger à rester et se décide à quitter sa ville, qui continuera à s’inquiéter de la santé de la population ?
 
Voici donc la vidéo de Koichi Ohyama, diffusée le 18 juillet 2011 sur YouTube. Elle est suivie par la traduction en français de son discours, réalisée par Pom’Verte du groupe Fukushima Informations. Mille mercis à elle pour cet important travail qui permet aux francophones de connaître la réalité.
 
 

 
 
 
 

Nouvel SOS de Minamisoma, Fukushima

 
« Bonjour les amis, je m'appelle Koichi Ohyama, et je suis membre indépendant du conseil municipal de Minamisoma, dans la Préfecture de Fukushima.
 
Ma ville pâtit encore gravement de contamination radioactive, et les gens continuent d'avoir peur du danger en cours venant de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, qui est à peu près à 30 kilomètres de notre Mairie.
 
Vous qui m'écoutez, vous, tous les habitants de Minamisoma et de la Préfecture de Fukushima, vous, tous les gens du Japon et tous les gens du monde entier, j'aimerais que vous sachiez ce qui est en train de se passer ici, à Minamisoma.
 
Le 8 juillet, M. Katsunobu Sakurai, le Maire de Minamisoma, cité dans la liste des 100 personnalités les plus influentes du Time, a demandé aux résidents de la ville qui avaient été évacués de la zone de 20km à 30km autour de Fukushima, de rentrer chez eux.
 
Alors, beaucoup d'inquiétudes des résidents me sont parvenues depuis lors. Leurs inquiétudes sont :
 
- Les abris temporaires ou les appartements mis à disposition par la Ville sont dans la zone des taux de doses (de radiation) élevées.
 
- La Ville a construit des bâtiments scolaires temporaires sans enlever la surface de sol contaminée.
 
- Le Gouvernement ne vérifie ni les taux d'irradiation de mon puits ni ceux des légumes produits pour ma propre consommation (les légumes non destinés à la vente).
 
- La vérification des taux d'irradiation de ma maison évacuée, et le nettoyage de sa contamination sont-ils à ma charge (sous ma responsabilité) ?
 
Et tant d'autres sujets d'inquiétudes.
 
Je pense que les inquiétudes des résidents sont très raisonnables [valables], que le Maire ne devrait pas leur demander de repartir, et que le Gouvernement ne devrait pas supprimer la Zone de Préparation à l'Évacuation d'Urgence, qui est de 20km à 30 km autour de Fukushima Daiichi, avant d'en assurer la sécurité.
 
Aucune information détaillée sur la sécurité de la zone de 20 km à 30 km n'a été fournie, c'est pourquoi l'annonce du Maire provoque beaucoup d'inquiétude et de la colère chez les résidents.
 
Dans cette situation, dans le cadre de mon devoir d'annonce publique en tant que membre du Conseil Municipal, j'ai décidé de fournir des informations importantes sur Minamisoma par le biais de YouTube, suivant en cela l'exemple du Maire.
 
À notre avis, la chose la plus dangereuse est la contamination au plutonium, au strontium, et à tous les 31 autres sortes de matières radioactives, répertoriées officiellement au tableau n°5 du rapport de l'AIEA adressé le 6 juin au Gouvernement japonais.
 
Le Gouvernement a officiellement admis que ces matières sont "venues par les airs" de Fukushima Daiichi, mais il n'a pas fait d'enquête, ni annoncé où elles ont "atterri". J'ai demandé directement au Maire et aux membres du Parlement Japonais d'enquêter sur leur contamination, mais je n'ai eu aucune réponse.
 
En hiver, il souffle à Minamisoma de puissants vents saisonniers en provenance des hauts plateaux de l'ouest. Une partie de ces hautes terres sont dans le village de Itate, où les taux relevés sont si élevés qu'on demande à tous les habitants d'évacuer. Donc si des vents violents viennent de ces hauts plateaux hautement contaminés, notre ville sera de nouveau lourdement polluée au prochain hiver.
 
Et si nous enlevons maintenant les matières radioactives de la ville, nous serons de nouveau contaminés en hiver. Notre eau potable provient également de ces hauts plateaux.
 
Où sont ces quantités massives de 31 sortes de matières radioactives très dangereuses, dangereuses au possible ? On peut consulter le tableau et les chiffres dans les sites officiels, mais ni la télévision ni les journaux n'en parlent. C'est totalement injuste.
 
Le Gouvernement et le Maire n'ont pas le droit de mettre les habitants en danger en supprimant la zone restreinte avant d'en avoir contrôlé et assuré la sécurité, tout particulièrement pour la santé des jeunes. Ils sont notre trésor.
 
Nous ne devrions pas poursuivre la restauration économique suite à la catastrophe nucléaire avant d'avoir assuré la sécurité de notre vie.
 
Les parents ne peuvent pas assurer la sécurité de leurs enfants sans une déclaration de sécurité fiable et responsable du Premier Ministre, du Gouverneur, et du Maire. Et au final, c'est le Gouvernement qui doit fournir l'assurance et la responsabilité de la sécurité.
 
Or à Minamisoma, les gens perdent l'habitude de se protéger contre la contamination simplement parce que beaucoup de temps est passé depuis le 11 mars. Ils ont tendance à penser qu'il y aura moins de risques sans le sol, qu'ils n'ont plus besoin de masques, et parfois ils sont au milieu de la poussière dangereuse sans aucune protection.
 
Nous devons tous demander au Gouvernement d'enquêter et d'annoncer publiquement où se trouvent les 31 sortes de matières radioactives dangereuses en provenance de Fukushima Daiichi.
 
D'abord, nous devons connaitre les faits. Ensuite, nous devons y faire face.
 
Nous ne pouvons pas attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour notre santé et notre vie. Le Gouvernement et le Maire ne doivent pas compromettre la santé et la vie des habitants au nom de l'économie.
 
L'avenir de nos enfants dépend maintenant de notre choix et de notre action. Nous devons être responsables de notre santé et de la vie à venir. C'est tellement critique maintenant.
 
S'il vous plait, faites connaitre cette situation à vos voisins et à vos amis, et demandez de l'aide.
 
Merci beaucoup de votre attention. »
 
 
 
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En savoir plus avec d’autres articles:
 
Dans Ecocentric, un blog du Time (langue anglaise)
un article de Krista Mahr du 21 Juillet 2011 consacré à Koichi Ohyama
« Is This Mike On? Another YouTube SOS from Fukushima »
 
Dans le site de l’Express
un article de Philippe Mesmer du 22 juillet 2011 consacré à Katsunobu Sakurai
Japon: le maire qui veut sauver sa ville après Fukushima
 
 
 
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Ce n’est pas le seul SOS lancé par un Japonais, je vous avais déjà fait part de l’appel à l’aide des habitants de la ville de Fukushima début juillet :
 
 
 
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Note : le titre de cette page a été emprunté à la chanson du groupe The police : « Message in a bottle »
 
 

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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 01:24
arnie-gundersenArnie Gundersen, expert nucléaire étatsunien, suit avec régularité la situation au Japon. Depuis le début de la catastrophe, il nous fait part de ses analyses et de ses questionnements par l’intermédiaire de vidéos qu’il diffuse sur le site de Fairewinds. Ses commentaires sont toujours pertinents, et ils sont précieux car c’est l’un des rares scientifiques au monde qui s’exprime sur la catastrophe de Fukushima Daiichi. C’est pourquoi il est important de donner aux francophones la traduction de ses propos, car aucun scientifique de son envergure ne s’exprime en France sur ce sujet. Il est vrai que l’Hexagone est encore plus nucléarisé que le Japon et qu’il ne serait pas de bon ton de parler de pluie noire, ce qui ternirait l’image de cette énergie « propre ». Cette « black rain » est aussi une pluie « chaude », radioactive, qui contamine faune, flore et humanité pour des dizaines d’années.
 
Cette vidéo a été éditée par Fairewinds Associates le 19 juillet 2011 sous le titre original « Ex Japanese Nuclear Regulator Blames Radioactive Animal Feed on "Black Rain” ». On peut la visionner sur le site de Fairewinds, ou sur Youtube avec un sous-titrage automatique (qui présente certains défauts de transcription).
 
 

 
 
 
Un ex-inspecteur nucléaire attribue l’origine des fourrages radioactifs à la "pluie noire"
 
Traduction P. Fetet, à partir du texte original édité par Fairewinds
 
 
« Bonjour, je suis Arnie Gundersen, de Fairewinds, et nous sommes le mardi 19 juillet.
 
Aujourd'hui, j'ai l'intention de parler de l’état des réacteurs à Fukushima, et plus important encore, de la radioactivité qui a été détectée à travers le Japon, pas seulement sur le site. Enfin, j’aimerais parler de ce que les Japonais commencent à appeler « Black Rain » (pluie noire).

La première chose est la situation actuelle site même. Les trois réacteurs de Fukushima qui sont en cause, 1, 2 et 3, et la piscine de combustible du réacteur 4 continuent à libérer de la radioactivité.
 
Actuellement, vous ne pouvez pas la voir dans la journée, car les jours sont chauds, mais vous pouvez la voir durant la nuit. J'ai reçu énormément de courriels à ce sujet, où les gens pensent que le site est en train de sauter. En fait, c’est de la vapeur sortant de ces réacteurs qui rencontre l'air froid du Pacifique.
 
Alors, ils continuent à libérer de la radioactivité. Mais la plupart du rayonnement de Fukushima a été produit en mars et en avril. A l’heure actuelle, il y a beaucoup moins de radioactivité quotidiennement qu'il n'y en avait en mars et avril. Environ 90 à 95% de la radioactivité de Fukushima a été libérée dans les 6 premières semaines de l'accident.
 
Alors que des radiations continuent à être relâchées, en quantité journalière, il n'y en a plus autant qu'avant. Mais d’un autre côté, Fukushima peut continuer à libérer de la radioactivité pendant une longue période.

Les Japonais ont programmé de construire de grandes tentes pour couvrir chacun de ces réacteurs. La première tente est en cours de fabrication et couvrira le réacteur 1, puis ils passeront au réacteur 2, puis au réacteur 3, et enfin au réacteur 4. Ces tentes sont conçues pour empêcher la vapeur de sortir et de la recueillir sous forme d’eau pour la traiter. Donc à partir de septembre, la plupart des radiations atmosphériques seront éliminées de Fukushima, au moins pour un réacteur.
 
Cependant, de plus en plus, cela débouchera sur la contamination de l'eau souterraine et des liquides qui sont sur le site. On ne peut rien prévoir dans l’avenir qui permettrait d'éliminer cette contamination.
 
En fait, les Japonais ont annoncé qu'il faudra 10 ans avant qu'ils ne commencent à démanteler les cœurs à partir du bas de l'enceinte. Il n'y a pas de technologie en ce moment pour les enlever. N'oubliez pas qu'ils ont fondu à travers le réacteur nucléaire et ils se sont répandus à la base de l’enceinte nucléaire.

A Three Mile Island, ils avaient fondu au fond de la cuve du réacteur, mais n’avaient pas traversé le réacteur. Donc, c'est tout nouveau. C'est un peu comme essayer de peler un œuf au fond d'une poêle à frire. S’il cuit trop longtemps, c'est un processus très, très compliqué et difficile. Et c'est ce à quoi nous sommes confrontés à Fukushima, un nettoyage à long terme. Alors en attendant, il y aura énormément de déchets radioactifs liquides qui devront être traités pendant 10 ou peut-être 20 ans.

Eh bien, dans mon esprit, la chose la plus préoccupante est l'information provenant du site dernièrement. Certains de mes amis sont des biologistes qui ont travaillé à Tchernobyl et qui se sont rendus au Japon pour y faire quelques travaux scientifiques. Ils ont bien vu que les choses allaient mal tourner. J'ai reçu un appel de leur part cette semaine et ils ont dit que la situation était très mauvaise. A vrai dire ce sont des scientifiques endurcis qui sont habitués à traiter avec la radioactivité et ils croient que les conditions à Fukushima sont bien pires que ce qu'ils avaient pensé.

Il existe des preuves qui confirment cela. La première est que des champignons qui se trouvent à 30-40 miles des réacteurs se sont révélés être contaminés bien au-delà de ce que les normes japonaises le permettent. Ce qui est intéressant est que ces champignons n’ont pas été cultivés à l’extérieur. Alors, comment est-ce possible de dépasser les normes de rayonnement pour des champignons cultivés en intérieur ? C’est une préoccupation majeure, et encore, ce n’est qu’à 35 miles de la centrale  accidentée.

La deuxième preuve, c'est que des bovins ont été contaminés dans toute la préfecture de Fukushima et au-delà. La semaine dernière, ça a commencé avec 8 vaches contaminées, puis c'est passé à 40 vaches et maintenant il s’agit de plus de 130 vaches qui sont contaminées, et je suis sûr que le nombre va augmenter avec le temps.
 
Maintenant il y a quelques éléments intéressants ici. Le premier est que les vaches étaient à 30-40 miles de la centrale et que leurs niveaux de césium vont bien au-delà de ce qui est déjà toléré pour la consommation humaine. Quand les vaches sont arrivées sur le marché, les Japonais n'ont pas goûté la viande, ils ont frotté la peau de l’animal pour voir s’il n'y avait aucune contamination. Et sur cette base, ils l'ont mise sur le marché. C'est seulement après cela que l'on a découvert que la viande était contaminée. Ce n'est pas une façon acceptable de contrôler la viande de bœuf.
 
Mais la question la plus importante ici est de savoir comment les vaches ont été contaminées alors que tout le monde pensait qu'elles étaient nourries avec de l’ensilage, en d'autres termes, le foin qui avait été sauvegardé d'avant l'accident ?
Il s'avère que les Japonais utilisent les tiges de riz pour nourrir leurs vaches. Et les agriculteurs, à 45 miles et au-delà, coupaient leur tiges de riz pour l’expédier vers les fermes qui étaient à l'intérieur de la préfecture de Fukushima. La paille a été contaminée à 500 000 désintégrations par seconde, dans un kilogramme de paille. Maintenant, il s’agit de césium. Il a une demi-vie de 30 ans. Mais au bout de 30 ans, il se désintégrera à 250 000 désintégrations par seconde. Et 30 ans plus tard, à 125 000 désintégrations par seconde. C'est ce que ce terme de « demi-vie » signifie.

Cela s'est produit à 45 miles. Rappelez-vous, la Nuclear Regulatory Commission avait suggéré l'évacuation au-delà de 50 miles. Cela semble indiquer que la NRC avait raison. Les Japonais auraient dû évacuer leur population au-delà de 50 miles et à la place de cela, ils se sont contentés d’évacuer jusqu’à environ 12-18 miles.

Cette contamination s’est ensuite propagée au-delà de la préfecture de Fukushima. Pourtant, la préfecture elle-même semble être le seul endroit pour lequel les Japonais sont inquiets au sujet de cette exposition à la radioactivité.

La dernière chose dont je voudrais vous parler aujourd'hui, c'est ce qui arrive en dehors des 50 miles dont nous venons de parler. Il est déjà assez clair, sur la base de la radioactivité qui a été découverte dans la paille, que le rayonnement, même à 50 miles, est aussi élevé qu’il l’était dans certaines régions de Tchernobyl.

Eh bien, que dire de plus ? Jetons un œil sur Tokyo qui me préoccupe aussi. Tout d'abord, les stations d'épuration à Tokyo ont leurs boues contaminées. Normalement, cette matière est utilisé dans la construction de matériaux de construction. Mais elle est tellement radioactive qu'elle doit être stockée à l'extérieur sous des bâches, jusqu'à ce que quelqu'un trouve un moyen de s’en débarrasser.

La deuxième chose, c’est un rapport de laboratoire qu’un japonais m'a envoyé. Cette personne a pris sur ses propres deniers pour payer un laboratoire afin d’analyser les données sur une rue près d'un terrain de jeux à Tokyo.

Voici le rapport du laboratoire. Il montre qu'il y a 53 000 désintégrations par seconde dans un kilogramme, à partir de 2,2 kilos de matière prélevée sur le côté d'une rue près d'un terrain de jeux à Tokyo.

Cette personne était si préoccupée qu'elle est allé à la mairie de cette ville et le maire lui a répondu : je ne suis pas inquiet à ce sujet. Voici un citoyen qui, avec son propre argent, paye pour un rapport de laboratoire et ne peut rien obtenir de son gouvernement local.

Eh bien, il y a d’autres données. C’est celles que l’on obtient du National Cancer Center, hôpital également près de Tokyo. Ca a été publié sur leur site web quelques jours après l'accident. Le rapport montre que le 24 mars, soit 9 jours après l'accident, le fond radioactif en dehors de l'hôpital a été 30 fois plus élevé que le fond radioactif à l'intérieur de l'hôpital. Il y avait un dépôt de particules chaudes sur le sol. Et il était assez important pour augmenter la quantité de rayonnement que les détecteurs ont évalué à un facteur 30. A vrai dire, un hôpital national du cancer sait clairement comment mesurer le rayonnement, car ce sont des scientifiques expérimentés.

La dernière information que je veux partager avec vous provient d’un rapport que je reçois quotidiennement par courriel d'un éminent physicien japonais nommé le Dr Glen Saji. Il était secrétaire de la Commission de réglementation nucléaire au Japon. Il a écrit il y a deux jours ce qui suit, et cela a à voir avec la paille qui a été découverte près de Fukushima : « Je pense qu'ils ont dû stocker la paille dans un champ au moment du passage du panache, au cours de la première semaine de l'accident, en particulier à cause de la pluie noire ».

A vrai dire, « black rain » n'est pas un terme dont je sois sûr qu'il utilise à la légère. Mais cela a été clairement expérimenté au Japon après l'accident. Ce à quoi il fait référence est qu’il y a eu des nuages ​​de particules radioactives chaudes qui se sont déposées partout dans le nord du Japon.

Eh bien, les Japonais sont des gens débrouillards, comme en témoigne leur victoire en Coupe du monde ce dimanche. Mais ils ont besoin de connaître l'ampleur du problème auquel ils font face afin de le traiter correctement. Plutôt que de limiter l'information, il est important qu'ils limitent la radioactivité.

Je vous remercie beaucoup et à bientôt. »

 
 
Note :
Merci à Pom’Verte, Bernie, Idrissa et Hervé du groupe Facebook « Fukushima informations » pour m’avoir aidé à finaliser la traduction ! N’hésitez pas à rejoindre ce groupe convivial qui partage une somme considérable d’informations sur Fukushima, mais aussi sur le nucléaire en général.
 
 
 
Autre traduction d’Arnie Gundersen :
Interview édité le 3 juin
 

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